La crise humanitaire au niger en 2005
La crise au Niger en 2005
Introduction
La situation du Niger en 2005 constitue un contexte inédit en terme d’intervention de crise, non pas que les nombreux cas de malnutrition dans le pays soient alors d’une gravité sans précédent dans l’Histoire mais parce que la définition même de « crise » appliquée à ce contexte dépasse de loin le champs d’utilisation de cette notion. Le cas nigérienest en effet très particulier dans l’histoire des interventions en temps de crise.
Le Niger en 2005 est un pays relativement stable. Doté d’un fonctionnement démocratique, le président, Mamadou Tandja, fut élu pour cinq ans en 1999 et réélu en 2004. Après plusieurs années d’instabilité politique, le nouveau président élu rassure les bailleurs de fonds internationaux. Dès lors, le Niger ne peutêtre considéré comme un Etat isolé menant une politique économique et sociale indépendante. Au contraire, le pays est étroitement épaulé par les acteurs internationaux du développement que sont les agences onusiennes, des bailleurs de fonds étrangers et diverses ONG. C’est d’ailleurs dans ce cadre que, dès 1998, est institué un dispositif national de prévention des crises alimentaires et risques decatastrophe, dispositif contrôlé en grande partie par les bailleurs de fonds internationaux. On comprend mieux dans ce contexte que parler de crise grave de malnutrition en 2005 au Niger peut paraître paradoxal aux vues des moyens engagés pour prévenir ces crises. On comprend aussi que cette question est particulièrement sensible car parler alors de crise alimentaire revient à dénoncerl’inefficacité des politiques menées conjointement par le gouvernement nigérien et les acteurs internationaux du développement.
Il convient de rappeler ici que le Niger est un pays extrêmement vulnérable d’un point de vue économique[1]. En terme d’Indicateur de Développement Humain, selon le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), le Niger est en effet classé pays le plus pauvre dumonde. L’agriculture représente 40% du PIB national et fait vivre près de 90% de la population. Or cette agriculture basée sur la production céréalière, au Nord, et l’élevage, au Sud, dépend entièrement des pluies dans une région, le Sahel, où ces dernières sont rares et les sécheresses fréquentes. Pour assurer sa sécurité alimentaire, le pays est donc obligé d’importer des denrées des pays voisins,comme le Nigeria. C’est donc en s’appuyant sur la combinaison entre production locale et importations que les acteurs du développement et le gouvernement tentent d’éviter les crises alimentaires qui ont, par le passé, constitué des facteurs de troubles politiques comme lors du coup d’Etat de 1974.
En 2005, ni le gouvernement, ni les acteurs internationaux du développement engagés à ses côtésn’ont d’intérêt à reconnaître la situation de malnutrition dans le pays comme une situation de crise. Tous dépendent du système de régulation qu’ils ont mis en place et qu’ils défendent comme la seule solution possible aux problèmes du Niger. Il faut attendre que de nouveaux acteurs, au premier rang desquels l’ONG Médecins sans Frontières, dénoncent les cas importants de malnutrition et y apportentune grille de lecture et des solutions nouvelles pour reposer le problème de la malnutrition dans le pays. Ce faisant, ces nouveaux acteurs entrent ouvertement en concurrence avec les institutions existantes et l’émergence d’une problématique humanitaire n’a pu être possible que par un travail de déligitimation par les faits des seules politiques menées jusqu’alors.
La crise du Niger en 2005 estainsi un exemple particulièrement signifiant de l’émergence d’une problématique d’urgence par le travail mené par des acteurs extérieurs aux institutions sensées réguler la situation sur le terrain, et proposant du même coup des solutions nouvelles aux problèmes ainsi soulevés. Ce travail se propose d’en dégager en partie les causes, les enjeux et les dynamiques politiques, opérationnels et…