Commentaire orange de francis ponge
Commentaire
Dans son Rappel à l’Ordre (1926), Jean Cocteau expose sa vision de la poésie. Pour lui, le poète doit refuser l’exotisme et peindre les objets sur lesquels « son cœur, son œil glissent chaque jour » afin de montrer « nues, sous une lumière qui secoue la torpeur » les choses « surprenantes qui nous environnent ».
On peut rattacher à cette thèse l’œuvre deBaudelaire qui bouleverse le genre poétique en exposant sous un autre angle les sujets ‘classiques’ du genre : la femme aimée devient « serpent », le plaisir « tue », la « Beauté » est toujours inaccessible et cache souvent une certaine cruauté (une Passante, la Beauté.) ; de Victor Hugo qui déclarait vouloir « mettre le bonnet rouge au vieux dictionnaire » et ‘réhabiliter’ les « mots roturiers. »; de Stéphane Mallarmé voulant « redonner un sens aux mots de la tribu. » Les surréalistes, quant à eux, exploraient l’inconscient en transcrivant directement leurs pensées, avec le minimum de travail de réécriture et en refusant toute influence extérieure.
Cependant le poète qui assigne à la poésie le même rôle que Cocteau est sans doute Francis Ponge. Son œuvre la plus connue, LeParti pris des Choses (1942) est un recueil de courts poèmes en prose décrivant, d’une façon radicalement différente de ce à quoi l’on peut s’attendre, des « choses », à première vue banales et indignes de faire l’objet d’un poème. Nous allons monter l’originalité de ce point de vue en nous appuyant pour cela sur un extrait, « l’Orange. »
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I) A) De même que laprésentation en prose, l’utilisation de l’argumentation contribue à sortir ce texte des « sentiers battus » de la poésie. Est-il en effet courant de bâtir une description sur le mode d’un débat d’idées ? C’est pourtant ce que fait Ponge. On y retrouve les marques du registre argumentatif : abondance des connecteurs logiques et autres mots de liaison (« Comme », « mais », « tandis que »), interpellations dulecteur (« Faut-il prendre part entre ces deux manières de mal supporter l’oppression ? ») On a même l’impression d’être les témoins d’un cours que donnerait un vieux poète à ses disciples, avec les nombreuses occurrences du verbe ‘falloir’ : « Il faut mettre l’accent sur », « il faut en venir au. » ; on peut noter également l’utilisation du registre de langue soutenu, caractéristique des textesargumentatifs : « aspiration », « suaves », « prématurée », « sapide »… Il retrouve en cela le ton impératif de Cocteau.
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B) Francis Ponge a toutefois veillé à garder toute la poésie de son texte. Grâce à la personnification, l’orange est successivement dotée d’une volonté (« aspiration à reprendre contenance »), de sentiments (la dignité, avec le désir de « reprendre » une certaine «contenance »), d’une « conscience amère », d’un caractère (« elle est trop passive ») propres. De même, l’éponge est « ignoble » et a le même but de « reprendre contenance. » On remarque que cette personnification fait naître des émotions chez le lecteur comme chez le poète, qui émet un jugement personnel sur l’orange comme sur l’éponge, comme s’il s’agissait d’êtres humains.
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C) A traversles jeux sur les sonorités. Les allitérations et les assonances confèrent un certain rythme à son texte, particulièrement dans les troisième et quatrième paragraphes (répétition des sons « f » et « r », dans « parfaite forme du fruit », alternance des voyelles « i » et « u », récurrence des nasales « on » et « en ».)
L’oxymore « acerbement sapide » est ici employée (juxtaposition des contraires),et la comparaison est filée tout au long de l’extrait avec l’évocation des différences et des points communs entre l’orange et l’éponge. Quant aux pépins, ils sont assimilés à des « citrons. »
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II) A) Le texte se démarque également par les multiples présentations qu’il donne du fruit. Chacun des quatre sens nécessaires à la description d’un fruit est mis à contribution ….