Poésie

décembre 9, 2018 Non Par admin

La poésie de Paul Eluard naît avec le mouvement surréaliste. Ecrivain engagé, Eluard donne à la poésie surréaliste une voix neuve en utilisant un langage accessible à tous qui trouve sa force dans la simplicité des mots et la modernité de son expression. Malgré cette modernité, le lyrisme de Paul Eluard, poursuivant la tradition poétique française de Ronsard à Apollinaire, se fait universel. Lorsd’une conférence prononcée à Londres en 1936, dont les extraits seront publiés en 1937 dans son ouvrage l’Evidence poétique, Eluard affirme que les poètes possèdent « l’assurance de parler pour tous ». Dans quelle mesure peut-on valider cette thèse ? Le poète est-il un homme qui parle pour tous et au nom de tous ? Nous tenterons dans un premier temps, d’envisager un certain nombre d’éléments quipourraient soutenir le point de vue d’Eluard avant de nous pencher sur les éléments qui pourraient le contredire et nous tenterons, enfin, de proposer une conception approfondie du poète, de sa place et de sa relation aux hommes.

Le poète est tout d’abord l’homme d’un temps, de certains groupes et de certains milieux qui s’expriment à travers lui et pour lesquels il s’exprime. Comme lapeinture et les autres arts, la poésie a évolué au cours des siècles. Bien avant l’invention de l’écriture, la poésie représentait d’abord pour les hommes un moyen de retenir et de conserver dans leur mémoire des textes précieux qu’ils désiraient transmettre à leurs descendants. L’art poétique représente par la répétition des sonorités, les rimes ou encore les images employées un moyen précieux detransmettre et de véhiculer oralement un certain nombre de connaissances essentielles de génération en génération et de les marquer dans l’esprit des hommes. Cette utilisation de la poésie qui vise à plaire tout en instruisant fut largement reprise tout au long de l’histoire littéraire. Au XVIIème siècle, par exemple, et bien avant avec l’œuvre d’Esope, les Fables de la Fontaine majoritairementrédigées en alexandrins permettaient, au moyen de la poésie, une lecture plaisante tout en apportant un enseignement et un regard critique sur la société. Le poète parle alors pour tous dans le sens où les possibilités que lui offre son art lui permettent de mettre à la portée de tous un certain nombre d’idées ou de connaissances. Comme l’a dit Sartre, bien après Eluard, en 1947 dans son ouvrageQu’est ce que la littérature ? : « Il n’est pas vrai qu’on écrive pour soi-même : ce serait pire échec ; en projetant ses émotions sur le papier, à peine arriverait-on à leur donner un prolongement languissant… Il n’y d’art que pour et par autrui ». Si le poète publie ses œuvres, c’est bien parce qu’il cherche à les diffuser et à les faire lire par autrui. Il semble, en effet, que bien souvent le poèteorganise son œuvre autour d’une idée forte qu’il veut démontrer ou tout au moins proposer à un lecteur auquel il est demandé de se constituer en juge ou en témoin. De ce fait, bien que le poète exprime ses sentiments et ses ressentis personnels, il cherche donc avant tout à les offrir et les mettre à la portée de « tous ». Le poète peut également mettre son art au service de tous dans le but dedéfendre des idées sociales et politiques et ainsi témoigner en porte parole des autres hommes.

Pour Victor Hugo, par exemple, la mission de l’art est de réveiller le peuple, de l’éduquer et d’éveiller sa conscience dans le but de le sortir de la torpeur où le maintiennent le mensonge, la propagande, la peur et la lâcheté. Le poète qui, selon lui, voit plus loin que la simple réalité et quila comprend davantage est, d’après Hugo, le guide et le porte parole des opprimés. Ainsi, dans son poème « Mélancholia » paru dans son ouvrage Les Contemplations en 1856, Victor Hugo dénonce le travail des enfants et leur exploitation par sa société « qui produit la richesse en créant la misère » et pour cela, « se sert d’un enfant ainsi que d’un outil ». Il met donc son art au service de…