L’histoire a-t-elle un sens?
Si l’Histoire est rationnelle, alors on peut dégager des principes générauxd’explication, c’est-à-dire qu’on peut dégager une forme d’intelligibilité, par exemple enmontrant que les évènements obéissent à des enchaînements d’ordre causal.
Or, une façon très répandue de considérer l’Histoire est de considérer qu’elle est unesuite d’évènements accidentels, que le hasard joue un rôle déterminantdans la trame desévènements humains. Cette conception a été immortalisée par une phrase de Pascal : ‘Si le
nez de Cléopâtre avait été plus court, la face du monde eût été complètement changée’.
Pascal fait référence à la période où César vient d’être assassiné, et il a légué epouvoir à Octave, son fils adoptif, mais d’autres revendiquent sa succession. L’un des rivauxd’Octave est Marc Antoine, àqui on confie l’Egypte et le Moyen-Orient. En Egypte règneCléopâtre, dernière descendante des Ptolémées. Marc Antoine impose la Pax Romana, ettombe amoueux de Cléopâtre. Certains historiens de l’époque que c’est le grand nez de lareine qui faisait son charme. Marc Antoine, qui a amené toute son armée en Egypte, sesoulève contre Octave, avec le soutien de l’armée égyptienne. Octave a vent du plan etdétruitcomplètement l’armée de Marc Antoine. Ce dernier se suicide pour éviter l’humiliation, et ilest suivi dans la mort par Cléopâtre.
Pascal veut nous montrer que ce soulèvement de Marc Antoine, aveuglé par sapassion du pouvoir et amoureuse, était déraisonnée. Il veut nous montrer que la beauté peutnous entraîner dans des aventures qui vont changer le cours de l’Histoire.
De petites causespeuvent avoir de grands effets. L’histoire des sociétés humaines est
donc déterminée par des causes insignifiantes.
Les gens qui méditent la phrase de Pascal sont conduits à dire que l’Histoire estcomplètement irrationnelle car gouvernée par le hasard. Des civilisations entières, desmilliers d’hommes peuvent être engloutis à cause du hasard.
L’Histoire n’est pas gouvernée par des grandsprincipes, mais par des détails
insignifiants.
C’est ce que veulent montrer les auteurs des livres d’Histoire ‘What if… ?’. Ceshistoriens anglais essaient de dire que pour mieux comprendre la portée d’un événement, ilfaut formuler des hypothèses sur ce qui se serait passé si ces évènements n’étaient pas survenus.
Par exemple, ils se demandent que se serait-il passé si Hitler, pleind’ambitionsartistiques, avait réussi son concours d’entrée aux Beaux-Arts de Vienne. Ils essayent ensuitede voir si, dans l’Histoire de la deuxième guerre mondiale, Hitler joue un rôle décisif etdéterminant, ou si, au contraire, les évènements de cette guerre auraient quand même eu lieus’il n’avait pas été là.
Il semblerait que le devenir des sociétés humaines dépende d’évènements
contingents, sur lesquels les hommesont peu de prise.
Est contingent tout ce dont le contraire est possible, c’est-à-dire tout ce qui, tout en
étant, aurait aussi bien pu ne pas être.
Le contraire de la contingence est la nécessité. Est nécessaire tout ce qui ne peut pas
ne pas avoir lieu, ce dont le contraire est impossible.
Si l’Histoire est gouvernée par le hasard, alors n’importe quoi peut sortir den’importe quoi,l’Histoire devient imprévisible. On est dans l’incapacité de lire l’avenir dansle présent. Une Histoire gouvernée par le hasard incite au fatalisme et à une forme derésignation. Parce que ça veut dire que pendant qu’on forme des projets, ce qui va se passerdans l’avenir proche va être déterminé par des facteurs sur lesquels on ne peut exercer aucuncontrôle. Cette idée de hasard anéantit de ce fait touteidée de projet.
Une Histoire gouvernée par le hasard est une Histoire qui n’a pas de sens. Celaconduit au fatalisme ou à une mentalité de l’urgence, de l’instant présent : on ne sait pas ceque nous réserve l’avenir et tout peut s’effondrer du jour au lendemain.
Plus on accorde d’importance au hasard, c’est-à-dire aux causes particulières plutôtqu’aux causes et principes généraux, plus le…