Une charogne
Quand en 1857, Baudelaire fait publier son recueil intitulé Les Fleurs du Mal, les tribunaux le condamnent à en retirer 6 poèmes pour « offense à la morale publique et aux bonnes mœurs ».
Baudelairese définit comme un poète maudit, rejeté par la Société. Il inventera même une forme de désespoir nouveau qui devient la source principale de sa création poétique: le spleen.
Le poème que nousallons étudier est le 29e de la section « Spleen et idéal ». Il évoque avec un esthétisme macabre saisissant une promenade en amoureux. Le poème surprend par sa vLa métaphore filée qui suit,fondamentalement champêtre, n’est pas sans évoquer le temps des semailles. Pour que naisse la fleur, il faut que des graines soient semées ; de même que pour que le corps renaisse sous forme idéalisée, il doit sedécomposer.
Strophe 8
Charles Baudelaire en vient à évoquer le rôle de l’artiste, c’est-à-dire du poète. La comparaison est ici empruntée à la peinture. Par un curieux paradoxe, c’est au momentmême où les formes s’effacent – le corps se décompose totalement et devient une bouillie de chairs en décomposition – que l’ébauche d’une forme peut se faire.
La poésie arrache les êtres et les choses augouffre de la mort et à la réalité de la décomposition. Elle le fait par un processus très précis : le poète (l’artiste) ne peut retenir du réel que des impressions mortes, désignées ici par lafigure du cadavre. Sa sensibilité, son génie consiste à les ressusciter sous une forme sublimée. L’artiste métamorphose la mort en vie.
Strophe 9
Il ne reste plus au cadavre que les os. Baudelairequalifie en effet la charogne de « squelette », et une chienne veut reprendre « le morceau qu’elle avait lâché » ; or on sait que les chiens mangent des os.
Dans l’Antiquité, la pire des menaces était dene pas fournir de bûcher funéraire à son ennemi, mais de jeter son corps aux chiens (cf. Antigone) ; c’est ainsi que Baudelaire évoque la valeur de ce qui est périssable : tout juste bon à servir de…