Synthèse l’ecriture ou la vie

décembre 23, 2018 Non Par admin

Jorge SEMPRUN, L’Ecriture ou la vie (1994)

Le titre de l’œuvre : L’Ecriture ou la vie

Le 11 avril 1987, Semprun rédige spontanément quelques pages qui ne lui paraissent pas devoir s’intégrer dans l’œuvre de fiction qu’il est en train d’élaborer. Il classe ces feuillets dans un dossier sur lequel il inscrit le titre « L’écriture ou la mort » (p.298-299), très proche du titre définitif.
Dansle titre L’Ecriture ou la vie, la conjonction de coordination ou (à valeur exclusive) exprime l’idée d’un choix : en effet, de 1945 à 1961, Semprun a renoncé à l’écriture et a choisi la vie, c’est-à-dire qu’il s’est efforcé d’oublier l’expérience atroce des camps.
D’une part, donc, le titre oppose les notions d’écriture et de vie, puisque l’écriture renvoie fatalement à l’expérience de la mortet oblige Semprun à la revivre.
D’autre part, cependant, l’écriture est associée à la vie (ou = et) dans la mesure où elle permet d’exorciser la mort et de retrouver une vie digne de ce nom.
p.215 : « Je ne possède rien d’autre que ma mort, mon expérience de la mort, pour dire ma vie, l’exprimer, la porter en avant. Il faut que je fabrique de la vie avec toute cette mort. Et la meilleure façond’y parvenir, c’est l’écriture. Or celle-ci me ramène à la mort, m’y enferme, m’y asphyxie. Voilà où j’en suis : je ne puis vivre qu’en assumant cette mort par l’écriture, mais l’écriture m’interdit littéralement de vivre. »

L’Ecriture ou la vie, une œuvre inclassable

Essai : Semprun propose dans ce livre une réflexion très poussée sur la façon dont l’écriture peut rendre compte de l’expériencede la mort ; d’après lui, « la vérité essentielle de l’expérience » n’est transmise que « par l’écriture littéraire », « par l’artifice de l’œuvre d’art ».
Autobiographie : On retrouve la dimension rétrospective de l’écriture autobiographique, la volonté de Semprun de s’analyser afin de se comprendre ; de plus, Semprun, par le biais de très nombreuses analepses (retours en arrière) et prolepses(anticipations) évoque globalement son existence, même si tous les épisodes ne sont pas développés de la même façon.
Récit autobiographique : Certains épisodes sont en effet nettement plus développés que d’autres ; l’œuvre se concentre particulièrement sur les périodes pendant lesquelles Semprun s’est posé la question : écrire ou vivre ? (1945, 1961-1964, 1987-1992).
Mémoires : L’expériencepersonnelle de Semprun est fortement liée à l’Histoire de l’Europe de vingtième siècle ; il a vécu l’expérience des campsde concentration, s’est engagé contre Franco et dans la Résistance, a été membre du Parti Communiste espagnol jusqu’en 1964 et ministre espagnol de la culture de 1988 à 1992.

La structure de l’œuvre

Le livre, composé de trois parties et de dix chapitres au total, suit uneprogression globalement chronologique ; chaque chapitre correspond à un épisode important du parcours de Semprun :
Première partie (avril 1945 : le retour à la vie)
• Le regard : le 12 avril 1945, lendemain de la libération du camp de Buchenwald.
• Le kaddish : le 14 avril 1945, Semprun et un Juif hongrois, Albert, découvrent un survivant qui chante la prière des morts des Juifs dansune baraque du Petit Camp.
• La ligne blanche : entre le 14 et le 19 avril 1945, Semprun récite à haute voix le poème de René Char, « La Liberté », qu’il a lu pour la première fois le 12 avril ; ce chapitre porte sur la littérature.
• Le lieutenant Rosenfeld : le 23 avril 1945, visite de Weimar et de la résidence de Goethe.
• La trompette de Louis Armstrong : fin avril 1945, àEisenach, Semprun entend à nouveau la trompette de Louis Armstrong à la radio ; retour à la vie, importance des femmes.
Deuxième partie (écrire ou ne pas écrire ?)
• Le pouvoir d’écrire : début août 1945, Claude-Edmonde Magny lit à Semprun une lettre qui sera publiée en 1947 sous le titre Lettre sur le pouvoir d’écrire ; découverte du « malheur de vivre ».
• Le parapluie de…