Ce que les sondages font à l’opinion publique
Ce que les sondages font à l’opinion publique Loïc Blondiaux
Les sondages sont omniprésents dans notre société modernes, et même si parfois ils se trompent de façon colossale et très médiatisée, force est de constater que peu de voix s’élèvent pour remettre en cause leur légitimité en tant que portes paroles de l’opinion publique.
Loïc Blondiaux et Pierre Bourdieu reviennent sur cessondages d’opinion et tentent de montrer en quoi leur généralisation a modifié la définition de l’opinion publique.
Pour comprendre ces modifications, il faut revenir à l’origine et à l’évolution du concept d’opinion avant de se pencher sur les critiques portées aux sondages censés révéler cette notion pour finalement relever le pouvoir politique de ces sondages et leur capacité à modifier etbiaiser l’opinion publique.
La notion d’opinion publique, débattue depuis des siècles n’a toujours pas trouvé de définition précise
La notion d’opinion publique n’est pas récente et à fait l’objet de nombreux débats et théories. Dès le XVIIIème siècle, elle portait déjà cette ambivalence et cet aspect trouble qui perdureront jusqu’à nos jours, faisant l’objet des théories les plus diverses etles plus contradictoires.
Au siècle des Lumières, l’opinion publique est divisée, entre la vision idéale d’une opinion portée par les élites, et le dédain d’une opinion commune, fruste, portée par la populace.
Sous la Révolution française, la notion d’opinion publique porte toujours une contradiction mais cette fois entre une opinion publique du présent, dans la lutte et l’action et uneopinion publique à venir, idéalement cultivée et morale.
La fin du XIXème siècle voit apparaître une vision idéalisée de l’opinion publique, il s’agit de l’idéal d’une opinion relayée par les membres les plus éclairés de la sociétés apte à entrainer avec elle la masse populaire. James Bryce reprend cette idéal en appréhendant la notion comme une formation consciente, apte à se forger à travers deséchanges féconds avec autrui.
Parallèlement à cette vision manichéenne, Walter Lippman dépeint une masse isolée, sans éducation, manipulable à souhait et inapte à énoncer des opinions autres que contradictoires et embrouillées.
Si les définitions les plus hétérogènes continuent de graviter autour de la notion d’opinion publique, un outil apparu il y a quelque décennies permet de relever cetteopinion publique, et donc de la définir. Mais là encore, cela prête à tergiversations; de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’assimilation qui est faite entre sondage et opinion publique
Les sondages, synonymes d’outil de l’opinion publique, mesurent-ils vraiment l’opinion des individus ?
Le terme d’opinion publique est de plus en plus usité dans mais sa notion continue à être maldéfinie. Le sondage apparaît alors comme la caractérisation de base de l’opinion publique. Pourtant, on ne peut pas réduire cette opinion publique au seul résultat de ces sondages. De plus, la fiabilité et l’efficacité des sondages dans le rendu de l’opinion publique sont remis en cause pour de nombreuses raisons.
On peut tout d’abord s’interroger sur un outil qui s’appuie sur une opinion publiquedont la définition reste changeante et mal définie. Le sondage peut donc être vu comme un artifice puisqu’il ne repose pas sur une base solide.
De plus, le sondage peut être mis en cause par le fait qu’il provoque des opinions, qu’il ne relève pas de réactions spontanées. En allant au devant des opinions, en révélant des opinions qui n’étaient pas formulées et peut être même pas réfléchies, lesondage ne laisse pas le temps à l’individu d’y réfléchir, de délibérer, d’échanger des informations à son propos pour se créer une véritable opinion pensée et assumée.
En outre, si le fait de traiter toutes les opinions de la même façons peu sembler un symbole démocratique, il peut aussi témoigner d’une volonté d’aplanir les dissensions, de discréditer l’avis de certains groupes aux yeux…