Seul importe le livre
Il y a les genres mais aussi les courants, mouvements, périodes et autres écoles, générations etc. Cependant, selon Maurice Blanchot en 1959 dans le Livre à venir : « Seul importe le livre, tel qu’il est, loin des genres, en dehors des rubriques, prose, poésie, roman, témoignages, sous lesquels il refuse de se ranger et auxquels il dénie le pouvoir de lui fixer sa place et déterminer sa forme. Unlivre n’appartient pas à un genre, tout livre relève de la seule littérature, comme si celle-ci détenait par avance, dans leur généralité, les secrets et les formules qui permettent seuls de donner à ce qui s’écrit réalité de livre ». Autrement dit Blanchot avance la thèse longuement controversée, celle du refus de la classification littéraire. De cette citation découle alors le questionnementlogique : le livre se suffit-il à lui-même ? En opposant les deux systèmes, classification des genres d’un côté et refus total de l’autre, on peut avancer l’hypothèse que l’hybridation des genres pourrait amener au dépassement des limites imposées par ces deux rhétoriques de la littérature.
Gracq marque la différence entre deux sortes de catégories en distinguant typographiquement les genres ousous-genres (fantastique, merveilleux, étrange) et les périodes et mouvements. Todorov opère dans son Introduction à la littérature une distinction entre le fantastique proprement dit, caractérisé par l’hésitation entre réel et surnaturel, le merveilleux, fondé sur le surnaturel accepté, et l’étrange, sur le surnaturel expliqué. Caillois, sur le même territoire, distinguait le fantastique duféérique auquel, historiquement, il semble succéder, et de la science-fiction (ou récit d’anticipation) qui lui succède. Dès l’origine, les classifications s’opposaient ou se superposaient. Aristote qui a fondé la distinction entre les trois genres épique, lyrique et dramatique, distinguait les moyens (vers / prose), les modes (narratif / dramatique), et les objets mêmes de la mimésis. D’Aristote àPlaton, les notions se répartissent différemment : pour Aristote, la mimésis, qui selon lui fonde la littérature, comprend le récit (diégésis) et la représentation directe (théâtre ou poésie dramatique), il instaure la distinction classique entre poésie narrative et poésie dramatique ; chez Platon, le récit ne fait pas partie de l’imitation, il s’y oppose (diégésisimirnésis).
Aujourd’hui, lesthéoriciens continuent à affiner et diversifier les classifications. Genette distingue les modes d’énonciation (narration et représentation) des genres proprement dits. Todorov distingue les genres « historiques » des genres « théoriques », les premiers résultants d’une observation de la réalité littéraire, les seconds d’une déduction d’ordre théorique. Il oppose encore la classification fondée sur lesformes « naturelles » (pour la poésie, le lyrique, l’épique, le dramatique) à celle qui se fonde sur les formes « conventionnelles » (sonnet, ballade, ode …).
Quatre catégories sont postulées de manière implicite (acte de jugement pré-réflexif qui rapporte l’œuvre aux idées régulatrices des genres littéraires généraux : la lecture se déroule sur le fond de ces genres qui conditionnent l’horizond’attente) : la fiction narrative (roman, nouvelle, conte, récit), la poésie (vers ou prose ; disposition typographique / disparition du critère du vers), le théâtre (tragédie, drame, comédie : critère de la représentation, exhibé dans sa typographie la répartition des rôles, changements d’énonciation), et l’essai (discours philosophique ou théorique, autobiographie, mémoires, journal intime,correspondance) qui est le plus difficile à cerner : hétérogénéité, c’est un genre fourre-tout, privilège accordé à la réflexion, à la pensée discursive, et non à l’imagination exaltée par la fiction.
La classification peut aussi se baser sur des critères de regroupement de tonalités qui sont à la fois thématiques et stylistiques : la tonalité poétique (analogue à l’émotion indéfinissable (le…