Les enfants terribles
BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE – SESSION 2010
ÉPREUVE ANTICIPÉE DE FRANÇAIS
TOUTES SÉRIES
Durée de l’épreuve : 4 heures
Coefficient : 2
Le candidat lira le corpus, traitera les deux questions, puis choisira l’un des trois travaux d’écriture. Toutes les réponses devront être rédigées et organisées.
Dès que le sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet. Ce sujet comporte septpages, numérotées de 1/7 à 7/7.
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.
10FRTEME1
1/7
Objet d’étude Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde
Le sujet comprend :
Texte A : Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, 1869. Texte B : Emile Zola, L’Assommoir, 1877. Texte C : Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932. TexteD : Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert, 1980.
10FRTEME1
2/7
Texte A : Flaubert, L’Éducation sentimentale
Frédéric Moreau, jeune provincial étudiant à Paris, est épris de Mme Arnoux, épouse d’un marchand d’œuvres d’art. De la place qu’il occupe dans la diligence qui le ramène à Paris après une longue absence, il regarde défiler la ville. On descendit le boulevard au grand trot, lespalonniers1 battants, les traits2 flottants. La mèche du long fouet claquait dans l’air humide. Le conducteur lançait son cri sonore : « Allume ! allume ! ohé ! », et les balayeurs se rangeaient, les piétons sautaient en arrière, la boue jaillissait contre les vasistas, on croisait des tombereaux3, des cabriolets, des omnibus. Enfin la grille du Jardin des Plantes se déploya. La Seine, jaunâtre,touchait presque au tablier4 des ponts. Une fraîcheur s’en exhalait. Frédéric l’aspira de toutes ses forces, savourant ce bon air de Paris qui semble contenir des effluves amoureux et des émanations intellectuelles ; il eut un attendrissement en apercevant le premier fiacre. Et il aimait jusqu’au seuil des marchands de vin garni de paille, jusqu’aux décrotteurs avec leurs boîtes, jusqu’aux garçonsépiciers secouant leur brûloir à café. Des femmes trottinaient sous des parapluies ; il se penchait pour distinguer leur figure ; un hasard pouvait avoir fait sortir Mme Arnoux. Les boutiques défilaient, la foule augmentait, le bruit devenait plus fort. Après le quai Saint-Bernard, le quai de la Tournelle et le quai Montebello, on prit le quai Napoléon ; il voulut voir ses fenêtres, elles étaientloin. Puis on repassa la Seine sur le Pont-Neuf, on descendit jusqu’au Louvre ; et, par les rues Saint-Honoré, Croixdes-Petits-Champs et du Bouloi, on atteignit la rue Coq-Héron, et l’on entra dans la cour de l’hôtel. Pour faire durer son plaisir, Frédéric s’habilla le plus lentement possible, et même il se rendit à pied au boulevard Montmartre ; il souriait à l’idée de revoir, tout à l’heure, surla plaque de marbre, le nom chéri.
5
10
15
20
1 2
palonniers : pièce mobile sur laquelle on fixe les rênes dans un attelage. traits : partie du harnais qui sert à tirer un véhicule. 3 tombereaux : charrette entourée de planches servant à porter du sable, des pierres… 4 tablier : désigne la plate-forme qui constitue le plancher d’un pont.
10FRTEME1
3/7
Texte B : Zola,L’Assommoir
Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n’est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre. L’hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C’était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu’au second, avec despersiennes pourries par la pluie. Au-dessus d’une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des…