Le travail rend-il libre ?
Sujet : Le travail rend-il libre ?
« Le plus grand plaisir humain est sans doute dans un travail difficile et libre fait en coopération (…). » cette déclaration d’Emile Chartier, dit Alain dans ses Propos sur le bonheur semble aller contre l’entendement commun selon lequel on ne travaille que sous la contrainte et donc en étant privé de sa liberté (et en n’éprouvantcertainement point de plaisir). Cette phrase semble donc comporter un oxymore. Pour autant, la notion de liberté possède plusieurs significations. La liberté peut s’appliquer à une personne qui n’est pas sous la dépendance de quelqu’un, une personne qui peut agir sans contrainte, qui est « autonome » (qui n’obéit donc qu’à ses propres lois et principes). La liberté peut aussi renvoyer au fait de pouvoiragir, dans une société organisée, selon sa propre détermination, dans la limite de certaines règles. Comme les droits, par exemple, qui sont les libertés que la loi reconnaît aux individus dans un domaine. La liberté peut être d’expression, ou encore d’opinion, c’est-à-dire qu’elle donne le droit à l’individu d’avoir une certaine opinion, ou même de ne pas en avoir. On peut également appréhender laliberté sous un angle plus philosophique : elle est alors le caractère de la volonté humaine, ce qu’on appelle communément le libre arbitre. Le travail quant à lui désigne toute activité visant à la production d’une œuvre utile. Dans nos sociétés actuelles le travail est difficilement envisagé sans rémunération. En outre, le travail est souvent associé à la peine, à la souffrance, et ce dèsl’étude de son étymologie. En effet, « travail » vient du « tripalium », un instrument de torture à trois pieux utilisé pour ferrer les chevaux. De même, dans la Bible, le travail est présenté comme une punition que reçoit Adam après avoir été expulsé du jardin d’Eden : « tu travailleras [la terre stérile] à la sueur de ton front ». Ainsi, il semble vu comme une contrainte. Il apparaît donc, de primeabord, que les termes « liberté » et « travail » soient en totale opposition. Comment le travail pourrait-il des lors permettre à l’Homme d’être libre ? Cependant, il est permis de se demander s’ils ne sont pas, au contraire, intimement liés. En effet, les Hommes pensent généralement le travail comme une entrave à leur liberté, comme quelque chose qui s’oppose à la liberté de la vie humaine. Mais lanotion de liberté existerait-elle seulement si rien ne venait l’entraver ? Et si le travail avait, au contraire, permis à la liberté à la fois d’exister et de prendre tout son sens ? Une question fondamentale pour la vie de chacun se pose alors : la liberté de l’Homme dépend-elle de sa faculté à travailler ?
Tout d’abord, le travail est un phénomène humain. Dès lors qu’il y a trace d’humanitéil y a travail. Il accompagne l’existence et le développement de l’humanité. C’est un élément qui intervient nécessairement pour définir la condition humaine. Certes, l’animal peut aussi travailler, mais ce qui différencie le travail humain du travail animal est que, dans le cas de l’homme, on a affaire à un projet pensé, conscient de lui-même et toujours prémédité. Dès lors, la différence entreHomme et animal est définie. L’homme est l’être qui a le plus de besoins et que la nature a le moins favorisé en talents divers pour les satisfaire (par exemple, il court et/ou nage souvent moins vite que ses proies et son odorat et son ouïe sont moins développées que la plupart de celles des autres chasseurs). L’homme est donc, de part sa nature, contraint de travailler pour survivre. Il n’estalors pas libre de travailler : il y est obligé, sa survie en dépend. Le travail témoigne ainsi de notre soumission à la nécessité.
Le travail apparaît donc tout d’abord comme une activité négative. Le travail est vu comme le lieu de l’exploitation, de la domination. Dans la Grèce antique, le travail est considéré comme une des activités les plus animales et les moins nobles. C’est pourquoi…