Le pouvoir de légiférer par ordonnances

novembre 18, 2018 Non Par admin

Dissertation de droit constitutionnel. Le pouvoir de légiférer par ordonnances.

Le pouvoir de légiférer correspond à la capacité d’établir des lois, d’édicter des règles. Il était par tradition réservé aux élus du peuple, aux parlementaires, qui ne pouvait le déléguer à l’exécutif sous peine de remettre en cause les bases du régime politique libéral.
Mais peu à peu, sous la IIIe République,le Parlement va prendre l’habitude de déléguer son pouvoir au gouvernement avec la pratique des décrets-lois et des lois de pleins pouvoirs afin de remédier au blocage institutionnel qui paralysait à la fois l’activité législative et l’activité gouvernementale.
En 1946, lors de la rédaction de la nouvelle Constitution, cette pratique va être strictement prohibée car considérée comme une déviancedu système . C’est l’article 13 qui précise que « l’Assemblée vote seule la loi. Elle ne peut déléguer ce pouvoir ». Pourtant, malgré cette prescription formelle, on va rapidement revenir à cette méthode pour faire face à la paralysie institutionnelle qui a caractérisé également la IVe République, non sans avoir d’abord exploré les voies plus subtiles de la loi-cadre et de la délégalisation.Cette méthode semble décidément très pratique car elle va être constitutionnalisée en 1958. En effet, selon l’article 38 de la Constitution, « le gouvernement peut demander au Parlement, au titre d’une délégation de compétence, en vue de l’exécution de son programme, l’autorisation de prendre des ordonnances », ce qui confère au gouvernement, représentant du pouvoir exécutif, un pouvoir delégiférer. Celui ci se matérialise par le biais d’ordonnances qui correspondent à des actes fait par le gouvernement, avec l’autorisation du Parlement, dans des matières qui sont du domaine de la loi.
Mais ce pouvoir de légiférer par ordonnances ne remet-il pas en cause les principes de séparation et d’équilibre des pouvoirs? La délégation du pouvoir législatif est-elle justifiée sous un régime tel que laVe République?
Si la délégation législative, une des techniques de rationalisation du parlementarisme sous la Ve République, permet au gouvernement de prendre directement part à la procédure législative (I), elle est cependant susceptible d’entraîner certaines dérives, qui sont susceptibles de donner au gouvernement une importance excessive au niveau de la procédure législative (II).

I/ Lalégislation déléguée, le gouvernement acteur du jeu législatif

Dans cette partie nous allons étudier la mise en œuvre de l’article 38 de la Constitution (A) pour voir ensuite les effets positifs de l’habilitation résultant de cet article (B).

A°) La mise en œuvre de l’article 38 de la Constitution

La loi d’habilitation autorise le gouvernement à prendre par ordonnancesdes mesures qui entrent normalement dans le domaine de la loi ordinaire (art 38 al 1). Le gouvernement, qui sollicite l’autorisation, dépose un projet de loi d’habilitation. L’art 38 ne précise pas la forme que doit présenter la demande d’habilitation faite par le gouvernement: celui-ci peut donc demander au Parlement l’autorisation de recourir aux ordonnances en déposant un amendement à un texteen cours d’examen. La demande est faite par un gouvernement bien déterminé: le Conseil d’État a cependant jugé que, sauf disposition législative contraire, le changement de gouvernement ne privait pas d’effet l’habilitation législative.
La demande du gouvernement doit être faite « pour l’exécution de son programme ». C’est-à-dire les objectifs en vue desquels les ordonnances seront prises.La loi d’habilitation doit porter sur des matières délimitées pour éviter que les excès qui ont pu être commis avant cette date ne soient plus possible. En effet, comme sous la IVe République le champ de l’habilitation était vague et imprécis, cette pratique pouvait s’apparenter à un dessaisissement parlementaire. Lors de l’examen de la loi d’habilitation, le Conseil constitutionnel est…