Le moulin

août 29, 2018 Non Par admin

?Introduction.
· Emile Verhaeren, est né à Saint-Amand dans la province d’Anvers le 21 mai 1855. Il est un poète flamand d’expression française. Après l’une de ces conférences à Rouen, il mourut accidentellement le 27 novembre 1916 ayant été poussé par la foule, nombreuse, sous les roues d’un train qui partait de la gare de Rouen. Ce poète né en 1855 et décédé en 1916 a vécu lors d’une périodecharnière entre le XIXème siècle et le XXème siècle. On distingue deux grandes périodes dans son oeuvre.
· La première période se caractérise par sa fermeture au monde. A travers des livres noirs (Les Soirs, 1887, Les Débâcles, 1888, Les Flambeaux noirs, 1890) Verhaeren exprime la mort, la folie, le désespoir liés à la période instable, de mutation. C’est une période de grand vent fou (cf.Nietzsche, Van Gogh).
· La deuxième période se caractérise par son ouverture au monde. Verhaeren assume les changements et va extraire la beauté de ce monde nouveau à travers des œuvres comme Les Campagnes hallucinées (1893), Les Villes Tentaculaires (1895).
· Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, il pratique le vers libre. L’éclatement de la prosodie classique annonce la poésie d’Apollinaire.· Sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes ou comme ici « Les Usines » dont il parle avec lyrisme sur un ton d’une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l’effort humain.
· Le poème « Le Moulin » comporte deux plans principaux qui semblent se faire face. L’un ouvre le poème et est consacré au moulin (strophes 1 et 2), l’autre consacré aux huttes leferme (strophes 4 et 5). Au coeur du poème (strophe 3), le poète évoque la nature environnante qui englobe et unifie le tout. La nature constitue un axe de symétrie, un axe central qui évoque la forme même du moulin. Mais comme l’indique le titre, « Le Moulin » est le plan privilégié par le poète et qui se détache sur le fond du ciel. L’article défini « Le » confère une certaine familiarité à cemoulin.
Lecture
Le Moulin

Le moulin tourne au fond du soir, très lentement,
Sur un ciel de tristesse et de mélancolie,
Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie,
Est triste et faible et lourde et lasse, infiniment.

Depuis l’aube, ses bras, comme des bras de plainte,
Se sont tendus et sont tombés ; et les voici
Qui retombent encor, là-bas, dans l’air noirci
Et le silence entier dela nature éteinte.

Un jour souffrant d’hiver sur les hameaux s’endort,
Les nuages sont las de leurs voyages sombres,
Et le long des taillis qui ramassent leurs ombres,
Les ornières s’en vont vers un horizon mort.

Autour d’un vieil étang, quelques huttes de hêtre
Très misérablement sont assises en rond ;
Une lampe de cuivre éclaire leur plafond
Et glisse une lueur aux coins de leurfenêtre.

Et dans la plaine immense, au bord du flot dormeur,
Ces torpides maisons, sous le ciel bas, regardent,
Avec les yeux fendus de leurs vitres hagardes,
Le vieux moulin qui tourne et, las, qui tourne et meurt.
Emile Verhaeren (1855-1916), extrait du recueil : Les soirs
I/ L’environnement
1/ L’environnement temporel
· Il est évoqué dès les premiers vers du poème : « au fond du soir » (v.1) , « sur un ciel de tristesse et de mélancolie » (v.2) et au vers 7 (« dans l’air noirci ») et au v. 9 « Un jour souffrant d’hiver […] s’endort ». Les allitérations en « l » et en « s » expriment la fluidité amère. Le poète choisit les moments les plus sombres : le « soir » (v.1) « d’hiver » (v.3).
· Verhaeren personnifie le jour (« Un jour souffrant ») comme s’il s’agissait d’un malade quitire frileusement la couverture sur lui.
· Les sonorités employées sont sombres et lourdes comme le montrent les diphtongues nasales en « an », « ou » et « oi » : « au fond du soir », « mélancolie », « noirci », « jour souffrant » « s’endort ».
· Verhaeren évoque l’agonie du jour et de la nature : « les nuages sont las de leur voyages sombres » (v.10).Les « nuages » et les «voyages » sont…