Le mal est la perversité d’une volonté qui se détourne du bien.
« Nul n’est méchant volontairement » affirme Socrate au cours de discussions avec Ménon. En réalité sous influence platonicienne, l’idée qu’évoque Socrate consiste a priori en une déresponsabilisation du mal commis par l’Homme. Quelques siècles plus tard, au sein d’une Europe christianisée, le théologien Saint-Augustin développe alors dans Les Confessions une thèse adverse dans laquelle ildéfinit le mal comme « la perversité d’une volonté qui se détourne du bien ». C’est devant ces deux visions de l’origine du mal que s’esquissent deux manières de concevoir l’implication de l’Homme pour le mal. Il s’agira donc de considérer dans quelle mesure l’Homme est responsable du mal qu’il commet. Afin d’apporter une réponse à cette problématique, nous montrerons dans un premier que la corrélationentre le mal et la volonté n’est a priori pas établie clairement. Nous présenterons ensuite l’idée que l’édification du mal tire aussi son origine de l’Homme conscient et responsable. Enfin nous montrerons dans une troisième partie que l’on ne peut pas seulement interpréter le bien ou le mal comme le résultat subi de la volonté ou d’une force supérieure.
L’Homme n’est pas par natureessentiellement mauvais selon Platon, et le mal dont il est l’auteur n’émanerait que d’une simple ignorance de ce qu’est le bien. Cette pensée optimiste se retrouve chez Rousseau dans La profession de foi du Vicaire savoyard, le vicaire affirme que « nous n’apprenons point à vouloir notre bien et à fuir notre mal ». La citation de Rousseau appuie alors la thèse platonicienne. Ainsi, l’Homme pense donc fairele bien, tout en ignorant le caractère malveillant dont il pourrait faire l’objet, comme l’illustre la mauvaise influence de la représentation sociale sur le comportement des personnages principaux dans Les Âmes fortes. Qu’est-ce qui explique alors l’existence du mal chez l’Homme ? Dieu ne peut pas en être l’origine puisqu’il est la perfection par définition, quant à mettre en cause la nature, ellene peut être responsable de tous les maux présents sur Terre. La responsabilité revient finalement à l’Homme. Platon affirme que le mal ne vient pas de son essence, mais il rejette la faute sur son absence de connaissance qui le conduit à pécher en dépit de sa bonne volonté. En effet, la première intention de l’Homme est de se préserver et donc cela l’amène à rechercher le bien, idée quedéveloppe le vicaire dans Profession de foi du Vicaire savoyard avec ce qu’il qualifie de « principe de vertu ».
L’idée platonicienne est de déresponsabiliser l’Homme au premier degré du mal qu’il fait. Par opposition, la thèse de Saint-Augustin consiste en partie à rattacher le mal à la volonté humaine, et donc à l’Homme. Toutefois, les œuvres nous permettent de mettre en évidence l’idée selon laquelle,même l’Homme dénué de toute volonté commet le mal. La pièce de Shakespeare Macbeth démontre en effet que certains personnages, dont le protagoniste, sont soumis à une force extérieure qui leur pousse à commettre le mal, c’est notamment le cas de Macbeth, qui dès les premières scènes, tombent sous le joug des trois sœurs sorcières admiratrices de la Déesse Hécate, et qui sera conduit à perpétrer lemal tout autour de lui durant toute la pièce. D’autre part, le roman Les Âmes fortes révèle aussi la prééminence de certains personnages à l’encontre d’autres ; les personnages de Firmin et Mme Numance en effet se font posséder par Thérèse, et deviennent ainsi objets du mal. Ces éléments mettent finalement en évidence la thèse de Platon sur la non-responsabilité de l’Homme. Néanmoins, d’autreséléments révèlent que la responsabilité de l’Homme est aussi mise en jeu dans le mal qu’il commet.
La vision théologienne de Saint-Augustin donne une définition absolue de ce qu’est le mal. Elle consiste, contrairement à Platon, à décrire le bien comme quelque chose d’extérieur à l’Homme et que l’on appelle Dieu, et à décrire le mal comme ce qui définit l’essence de l’Homme à travers sa «…