Le gage de compte bancaire
Ohadata D-05-29 LA MISE EN GAGE DES COMPTES BANCAIRES Par Joseph ISSA-SAYEGH Professeur
La mise en gage des comptes dont une personne est titulaire chez un banquier au profit de ses créanciers est une pratique assez courante dans les milieux bancaires pour mériter une attention particulière sur une sûreté dont la nature et le régime juridique, non déterminés par la loi, résultent surtout d’unedémarche contractuelle qui démontre la vitalité de la liberté contractuelle en matière de sûretés1. Pour mener une étude aussi précise et rigoureuse que possible de cette sûreté, il convient de partir de l’intention des parties qui la créent. Le créancier veut obtenir la certitude de pouvoir être payé en affectant les sommes qui sont contenues dans un ou plusieurs comptes bancaires de sondébiteur au paiement de sa créance. Le nantissement au profit d’un créancier2 des sommes logées dans un ou plusieurs comptes bancaires s’analyse donc comme une mise en gage de la créance que leur titulaire a contre le banquier. En effet, l’ouverture d’un compte en banque s’analyse comme un contrat de dépôt de fonds chez le banquier qui peut, en outre, être investi d’un mandat exprès de payer descréanciers du titulaire du compte3. C’est donc à titre de dépositaire et de mandataire que le banquier détient lesdites sommes et, à ce titre, il est tenu de se soumettre, immédiatement, à toute demande de retrait de ces fonds de la part e son client. Le titulaire des comptes bancaires est créancier d’une obligation de restitution par le banquier desdites sommes à simple et première demande du déposant ;c’est cette créance qu’il donne en gage à son créancier. Le législateur français ainsi que l’OHADA ne réglementent pas un tel nantissement qui est le résultat de la pratique contractuelle des banques. Si, en droit français, on utilise indifféremment le mot « nantissement » pour désigner le nantissement des biens meubles incorporels (fonds de commerce ; valeurs mobilières) ou corporels avec ou sansdépossession, on doit employer le terme « gage » en droit Ohada 4. En vertu du principe de la liberté contractuelle qui permet tout ce qui n’est pas interdit ou impossible à condition de respecter les éléments fondamentaux de la constitution et du régime juridique des sûretés personnelles et réelles, un tel montage est également possible en droit Ohada à condition de l’appeler gage sur des créances.Mais compte tenu de la nature particulière de la créance dont il s’agit, ici, il convient, par des règles appropriées, d’organiser soigneusement :
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Voir Joseph ISSA-SAYEGH, La liberté contractuelle dans le droit des sûretés, Ohada.com//Ohadata D-05-06. Ce créancier peut être le banquier tenant lesdits comptes ou un tiers. 3 Ordres de virement, ordres de prélèvement automatique,domiciliation de paiement, émission de chèques… 4 Le législateur français utilise indifféremment les mots gage et nantissement pour désigner le gage tandis que le législateur Ohada distingue nettement les sûretés réelles mobilières en nantissements et gages ; les premiers concernent – à l’exception des nantissements sur les actions et obligations – des biens susceptibles de faire partie d’un fonds decommerce et, à ce titre, passibles de la publicité au registre du commerce et du crédit mobilier, tandis que les gages concernent des biens meubles aussi bien corporels qu’incorporels non passibles d’une telle publicité mais soumises à l’enregistrement.
– l’opposabilité dudit gage aux tiers ; – la disponibilité des sommes données en gage au créancier; – la réalisation du gage. I. L’OPPOSABILITE DUGAGE AUX TIERS Le gage, comme toute sûreté réelle, confère au créancier un droit de préférence qui rompt l’égalité entre les créanciers chirographaires et doit, à ce titre, être rendu opposable auxdits créanciers. C’est pourquoi, la constitution d’un gage sur des créances repose sur quatre éléments 5: la rédaction d’un écrit ; l’enregistrement de cet écrit ; la remise du titre de créance et…