La bible et le fusil
LA BIBLE ET LE FUSIL : une alliance impossible ?
Camilo Tores l’Apôtre du prolétariat
« Je suis révolutionnaire en tant que colombien en tant que sociologue en tant que chrétien et en tant que prêtre. En tant que colombien parce que je ne peux pas rester étranger à la lutte de mon peuple. En tant que sociologue parce que les connaissances scientifiques que je possède m’ont conduit à laconviction qu’il est impossible de parvenir à des solutions techniques et efficaces sans révolution. En tant que chrétien parce que l’amour envers le prochain est l’essence du christianisme et que ce n’est que par la révolution que l’on peut obtenir le bienêtre de la majorité des gens. En tant que prêtre parce que la révolution exige un sacrifice complet de soi en faveur du prochain et que c’estlà l’exigence de charité fraternelle indispensable pour pouvoir réaliser le sacrifice de la messe qui n’est pas une offrande individuelle mais l’offrande de tout un peuple par l’intermédiaire du Christ. »
Ainsi parlait l’enfant terrible du clergé colombien à quelques semaines de son rendez-vous avec la Camargue. Nous sommes au cœur de ces folles années 60 que l’on associera pour toujours à larévolte. L’un après l’autre, les bastions de l’ordre établi sont alors ébranlés. Et l’Eglise Catholique Romaine maintes fois discréditée à cause de sa collusion réelle ou supposée avec les puissances d’argent n’est guère épargnée. Chaque jour apportent son lot de malheurs et depuis le Vatican, le Saint Père regarde impuissant s’effriter l’héritage qu’il a reçu de ses prédécesseurs.
En Amériquelatine, terre acquise au Christ depuis le XVème siècle, la révolte gronde aussi dans la maison du Seigneur habituellement si silencieuse. Quand ils n’ont pas tout simplement rangé aux oubliettes leurs bibles et autres chapelets, les fidèles ne se privent plus de fustiger la corruption des mœurs de leurs pasteurs. Il faut dire qu’en ces heures obscures, échaudé par la récente révolution cubaine quia mis à mal la puissance de l’Eglise, dans les cathédrales, on serre volontiers la main de Lucifer. Au Chili par exemple, le général Pinochet sous influence américaine s’empare du pouvoir dans un bain de sang indescriptible avec la bénédiction du clergé.
Et voilà que dans le brouhaha des slogans quelques fois violemment athée d’une jeunesse en rupture avec la tradition, une voix singulière vase faire entendre. A contre-courant des idées reçues qui présentent généralement la Bible et le Manifeste du parti communiste comme diamétralement opposés, un jeune ecclésiaste va s’efforcer de réconcilier le Christ et Karl Marx au grand dam de ses supérieurs.
A l’époque, même pour les esprits les plus libéraux, faire s’assoir à la même table l’auteur du célèbre « la religion est l’opium dupeuple » et le Fils de l’Homme relève à priori de l’utopie. Nul n’ignore que derrière le Rideau de fer, les portes des lieux de culte sont condamnées au nom du matérialisme scientifique défendu par Moscou et ses alliés. Le communisme triomphant ne peut s’accommoder de la concurrence d’une entité qui revendique une emprise sur les consciences. Le Christianisme est décrit comme un instrument dedomination des masses parce qu’il incite le faible à courber l’échine devant les injustices. Le Maître n’a-t-il pas invité ses disciples à tendre l’autre joue ?
Quant aux enfants de Dieu, ils considèrent le communisme au mieux comme absurde sinon comme une diablerie. En effet, l’Eglise a affirmé dès la fin du XIXème siècle, que l’égalité par la lutte des classes, objectif du marxisme, est uneaberration. Il suffit en effet de mesurer la taille des doigts de la main pour s’apercevoir que l’égalité n’est pas de ce monde. De plus, parce qu’il prêche la violence comme moteur de la révolution s’appuyant sur la dictature du prolétariat, le communisme est un puits intarissable de maux pour l’humanité. Tout système fondé sur la confiscation et la répression des libertés publiques étant, par…