Gargantua, thelemes

novembre 15, 2018 Non Par admin

Toute leur vie était régie non par des lois, des statuts ou des règles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre. Ils sortaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient,travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait. Nul ne les éveillait, nul ne les obligeait à boire ni à manger, ni à faire quoi que ce soit. Ainsi en avait décidé Gargantua. Et leur règlement se limitaità cette clause :

FAIS CE QUE TU VOUDRAS,
parce que les gens libres, bien nés, bien éduqués, vivant en bonne société, ont naturellement un instinct, un aiguillon qu’ils appellent honneur et qui lespousse toujours à agir vertueusement et les éloigne du vice. Quand ils sont affaiblis et asservis par une vile sujétion ou une contrainte, ils utilisent ce noble penchant, par lequel ils aspiraientlibrement à la vertu, pour se défaire du joug de la servitude et pour lui échapper, car nous entreprenons toujours ce qui est défendu et convoitons ce qu’on nous refuse.
Grâce à cette liberté, ilsrivalisèrent d’efforts pour faire tous ce qu’ils voyaient plaire à un seul. Si l’un ou l’une d’entre eux disait : « buvons », tous buvaient ; si on disait : « jouons », tous jouaient ; si on disait :« allons nous ébattre aux champs », tous y allaient. Si c’était pour chasser au vol ou à courre, les dames montées sur de belles haquenées, avec leur fier palefroi, portaient chacune sur leur poingjoliment ganté un épervier, un lanier, un émerillon, les hommes portaient les autres oiseaux.
Ils étaient si bien éduqués qu’il n’y avait aucun ni aucune d’entre eux qui ne sache lire, écrire,chanter, jouer d’instruments de musique, parler cinq ou six langues et s’en servir pour composer en vers aussi bien qu’en prose. Jamais on ne vit des chevaliers si preux, si nobles, si habiles à pied commeà cheval, aussi vigoureux, aussi vifs et maniant aussi bien toutes les armes, que ceux qui se trouvaient là. Jamais on ne vit des dames aussi élégantes, aussi mignonnes, moins désagréables, plus…