Gargantua.chapitre li

août 20, 2018 Non Par admin

Gargantua

de
François Rabelais

Chapitre LI

Comment fut bâtie et dotée l’abbaye des Thélémites

La lecture de ce chapitre LI de Gargantua ressemble plus à un récit, une description détaillée d’ordre architectural de la construction d’une abbaye – gigantesque, démesurée à l’image du géant Gargantua – et est plutôt, en ce qui me concerne, ennuyeuse. L’idée de la construction de l’abbayede Thélème (en grec : bon vouloir, volonté libre) est partie du désir de Gargantua de récompenser son ami le Frère Jean après la victoire sur Picrochole. En effet, après avoir refusé en guise de cadeau la propriété de diverses abbayes, le Frère Jean avait émis le souhait d’une abbaye qu’il peut fonder comme bon lui semble. C’est une abbaye utopique dont la description qu’il fait lui permetd’exposer son idée d’une abbaye humaniste où le cadre de vie est idéal pour permettre à de jeunes gens des deux sexes d’étudier.
Par son seul titre « Comment fut bâtie et dotée l’abbaye des Télémites », Gargantua annonce déjà le côté somptueux que revêtira l’abbaye des Télémites en contraste avec l’austérité des abbayes traditionnelles de l’époque. Tout doit être doté de ce qu’on ne retrouve pas dans lesabbayes du seizième siècle : splendeur, somptuosité, matériaux précieux, tout doit être beau
à Thélème, la pauvreté n’y a pas sa place.
Ce texte est structuré en cinq parties principales. La première est l’explication du financement de l’abbaye, la seconde de la forme du bâtiment et des spécificités des tours qui l’entourent. Dans la troisième partie, son récit se concentre sur l’intérieur del’abbaye et de son aménagement. Quant à la quatrième partie elle est consacrée aux diverses bibliothèques et
la cinquième à l’escalier extérieur ainsi qu’aux peintures et inscriptions qui recouvraient les murs des galeries.

La première partie sur le financement de l’abbaye est une énumération exagérée et grotesque de chiffres correspondants au montant des frais de construction, comme par exemple« vingt et sept cent mille huit cent trente et un (2.700.831) moutons à la grande laine » (l. 2-3),
qui eux valaient environ seize francs or, sans oublier la recette qu’il recevrait pour le droit de passage des marchandises sur la Dive, une petite rivière près de la Devinière qui, à cette époque n’était pratiquement pas navigable. « Vingt trois cent soixante neuf mille cinq cent quatorze (2.369.514)nobles à la rose » (l. 8-9), monnaie anglaise avec les effigies d’York
et de Lancastre, sont consacrés à la rente foncière et correspondent à la somme d’argent versée chaque année et à perpétuité pour couvrir les frais d’entretien de l’abbaye. À cela s’ajoute la somme de « seize cent soixante et neuf mille (1.669.000) écus au soleil » (l. 5-6)
et autant à l’étoile poussinière qui était unemonnaie imaginaire avec non pas comme les écus au soleil la gravure du soleil mais les sept étoiles de la Pléiade, ou Poussinière. Notons ici dans l’énumération de cette somme, Rabelais s’est amusé en se servant dans le choix du montant d’une assonance de la sibilante /s/. Outre les moutons, les écus au soleil et les nobles, Gargantua a laissé la voie libre à son imagination avec les écus à l’étoilepoussinière qui n’existent pas et la recette de la Dive qui n’est qu’une farce. Une entrée en matière chiffrée qui laisse présumer du faste, de l’extravagance et du gigantisme de la description de son œuvre architecturale qui s’ensuit.

« Le bâtiment fut en figure hexagone… » (l. 13). Tel est le début de la seconde partie consacrée à la forme du bâtiment et aux spécificités des tours. La formehexagonale marque en fait l’évolution des caractéristiques propres à l’architecture du Moyen Âge. Si Gargantua
a choisi la forme hexagonale à six côtés pour la construction de l’abbaye, cela peut être dû
à une influence des nombres auxquels certains humanistes du seizième siècle attribuaient une signification toute particulière. Le nombre six était en effet considéré comme favorable aux…