Explication texte de nietzsche (humain trop humain)

septembre 5, 2018 Non Par admin

Expliquer le texte suivant
« Nous n’accusons pas la nature d’immoralité quand elle nous envoie un orage et nous trempe: pourquoi disons-nous donc immoral l’homme qui fait quelque chose de mal? Parce que nous supposons ici une volonté libre aux décrets arbitraires, là une nécessité. Mais cette distinction est une erreur. En outre, ce n’est même pas en toutes circonstances que nous appelonsimmorale une action intentionnellement nuisible; on tue par exemple une mouche délibérément, mais sans le moindre scrupule, pour la pure et simple raison que son bourdonnement nous déplaît, on punit et fait intentionnellement souffrir le criminel afin de se protéger, soi et la société. Dans le premier cas, c’est l’individu qui, pour se conserver ou même pour s’éviter un déplaisir, causeintentionnellement un mal; dans le second, c’est l’État. Toute morale admet les actes intentionnellement nuisibles en cas de légitime défense, c’est-à-dire quand il s’agit de conservation. Mais ces deux points de vue suffisent à expliquer toutes les mauvaises actions exercées par des hommes sur les hommes: on veut son plaisir, on veut s’éviter le déplaisir; en quelque sens que ce soit, il s’agit toujours de sapropre conservation. Socrate et Platon ont bien raison : quoi que l’homme fasse, il fait toujours le bien, c’est-à-dire ce qui lui semble bon(utile) suivant son degré d’intelligence, son niveau actuel de raison. »
Nietzsche, Humain, trop humain.
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Vous avez été nombreux à nous demander une aide à la compréhension de ce texte, en particulier sur les dernières lignes:Nietzsche est-il sérieux ou ironique? Je vous propose de partir du terme « immoralité » à la première ligne.
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Immoralité – C’est le caractère de ce qui viole (consciemment et volontairement) les principes de la morale. Pour qu’on puisse parler d’immoralité il faut supposer (parce qu’on ne le voit pas!) un libre arbitre de l’homme, c’est à dire une faculté de se déterminer par soimême, d’agir à sa guise, de sa propre initiative. (Dans le texte proposé à la série L, d’Aristote: avoir en soi le principe de son acte). Si nous n’accusons pas la nature d’immoralité c’est que nous ne lui supposons pas un libre arbitre: elle est inconsciente, déterminée à être ce qu’elle devient et ce qu’elle fait: l’essence précède l’existence et la détermine. On ne peut donc juger la nature, lacondamner car elle n’a pas les conditions qui permettraient de la juger d’un point de vue moral: conscience, liberté, responsabilité. Est responsable celui qui a en lui le principe de ses actes, qui peut donc en répondre, se reconnaître auteur d’un acte et répondre de cet acte comme de ses conséquences. La nécessité ne peut pas ne pas être, il serait absurde de juger ce qui ne peut que suivre undéterminisme, ce qui ne choisit pas.
On commence peut-être à comprendre que la nature qui devient est innocente: si nous supposons à tort un libre arbitre à l’homme, alors l’homme suit aussi la nature.
Nous supposons – Nous mettons en l’homme une volonté de nuire, une décision consciente de faire le mal, de faire ce qui n’est pas conforme aux principes de la morale. Ainsi, nous lui faisonssupporter une culpabilité. Si nous n’accusons pas la nature alors que nous jugeons l’homme, c’est que nous les distinguons: l’une est dépourvue du libre arbitre, elle est nécessaire, l’autre est doué d’un libre arbitre.
C’est une erreur – Remarquez que ce n’est pas une faute: on se trompe parce qu’on ne sait pas, c’est un défaut de perspicacité sur le plan de la connaissance.
Même pas – Pour qu’unjugement soit valide, il faut qu’il soit universel dans le temps et dans l’espace. Ce qui se contredit n’a aucune valeur absolue, il dépend des circonstance, et change selon l’utilité. A la fin du texte Nietzsche accusera Socrate et Platon d’être des hypocrites: le devoir c’est de faire le bien, mais derrière ce bien il y a l’utile. Notre jugement varie en fonction des cas et de ce qui nous est…