Education populaire et management
Les valeurs de l’Éducation Populaire sont nées à la fin du XIXème siècle sur l’idée que chaque individu peut s’arracher aux déterminismes sociaux et s’émanciper grâce à l’éducation et à la culture. Elles sont historiquement caractérisées par deux idéaux contextualisés par Benigno Cacérès[1] : d’une part l’idéal humaniste, conduisant certains intellectuels à partager leurs savoirs avec d’autres,d’autre part l’idéal socialiste révolutionnaire, avec l’idée d’un peuple ouvrier refusant l’asservissement et souhaitant accéder à une instruction et à une formation lui permettant de devenir un acteur capable de participer à la vie politique du pays.
L’Éducation Populaire se définit donc généralement comme complémentaire à l’enseignement formel. Elle ne se limite pas à la diffusion de laculture académique ni même à l’art au sens large, mais également aux sciences, aux techniques, aux sports et aux activités ludiques, et ce sans limitation d’âge. Une double idée la domine : donner une éducation de base solide destinée aux enfants et offrir la possibilité d’une éducation prolongée durant toute l’existence de l’adulte.
Les structures d’Éducation Populaire sont aujourd’hui porteuses deprojets sur de nombreux domaines d’intervention. Si deux grands secteurs prédominent, les activités culturelles (qui constituent le cœur d’intervention de 23% des associations[2]) et l’éducation scolaire et péri-scolaire (qui constitue celui de 18% des associations[3]), d’autres champs d’action connaissent également un développement significatif : la politique de la ville et le développementlocal, les activités physiques et sportives, les activités d’insertion ou encore l’environnement. Il n’existe que très peu de structures spécialisées, deux tiers de ces structures déclarent ainsi exercer au moins deux activités, la moitié déclare quant à elle en exercer au moins trois.
Traditionnellement, les organisations d’Éducation Populaire sont créées sous une forme associative. Lesassociations, telles que régies par la loi de 1901, offrent une grande facilité quant à leur création, et se trouvent placées sous un régime fiscal plus avantageux que celui des entreprises. Néanmoins, au delà de ces avantages, cette forme juridique permet avant tout à ces structures d’être dirigées par des Conseils d’Administration dont les membres peuvent être issus du prolétariat. Ainsi, au delà de laformation universitaire de ses employés, les valeurs, objectifs et lignes directrices de ces associations sont en théorie directement impactées par des bénévoles militants généralement issus du milieu ouvrier.
Cependant, ce sont près de cent cinquante mille salariés qui travaillent dans ces associations. La dimension militante et bénévole qui caractérisait l’action des représentants associatifsjusqu’aux années 1960, et qui a marqué l’histoire de l’Éducation Populaire, cohabite désormais avec une nouvelle réalité : les acteurs sont de plus en plus souvent salariés et diplômés. Si cette professionnalisation peut rester cohérente avec les principes d’Éducation Populaire – le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative a structuré une véritable filière diplômante qui n’a deréelle valeur qu’au sein de ces structures – les postes de cadres restent encore liés à des diplômes universitaires généraux issus de l’enseignement formel.
Le paradoxe se situe dans le fait qu’en théorie, les salariés d’une structure d’Éducation Populaire, cadres comme employés, devraient être des militants diplômés par le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative,conformément à ce principe de l’auto-éducation du peuple par le peuple décrit par Jean Laurain[4]. Le directeur d’une telle structure devrait donc avoir commencé en bas de l’échelle hiérarchique pour en gravir petit à petit, tout au long de sa carrière, tous les échelons. Cependant, la filière diplômante de Jeunesse et Sport ne permettant pas d’offrir de diplôme suffisamment élevé – le DESJEPS,…