Commentaire d’arrêt cass. soc. 18 mars 2009

novembre 29, 2018 Non Par admin

Commentaire d’arrêt

Cass. Soc. 18 mars 2009

Nul n’ignore l’importance des qualifications juridiques en droit du travail et les difficultés à résoudre les conflits qu’elles peuvent engendrer. Une nouvelle preuve en est fournie par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 mars 2009 à propos de la mise à pied conservatoire appréhendée sous l’angle de sa distinction, souvent délicate,avec la mise à pied disciplinaire.

Un salarié avait été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, assorti d’une mise à pied conservatoire de trois jours, c’est-à-dire jusqu’à la date de l’entretien. Après vérification de ses explications, l’employeur avait procédé, près d’un mois plus tard, à son licenciement pour faute grave. Le salarié contestait la mesure ; pour lui lamise à pied constituait une peine interdisant le prononcé du licenciement pour les mêmes faits.

La Cour d’appel fait droit à sa demande, et condamne l’employeur à un rappel de salaire et au versement d’indemnités pour le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse. L’arrêt d’appel énonce que la mise à pied conservatoire est nécessairement à durée indéterminée.

Il convient donc de sedemander si une mise à pied à durée déterminée peut être une mesure conservatoire ?

La cour de cassation casse l’arrêt d’appel et répond par l’affirmative, la mise à pied prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire.

La Cour de cassation ne fait pas état dans l’arrêt de la condition relative àla durée de la mise à pied conservatoire (I), désormais, une mise à pied pourra être une mesure conservatoire ; mesure qui ne saurait être une sanction ne se confondant pas avec la mise à pied disciplinaire, dès lors que la mise à pied est prononcée par l’employeur, dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps (II).

I) De la nécessaire duréeindéterminée à la possible durée déterminé de la mise à pied conservatoire

L’arrêt du 18 mars 2009 constitue un revirement de jurisprudence, désormais la Haute Juridiction ne fait plus état de la nécessaire durée indéterminée s’agissant de la mise à pied conservatoire, et ce, par opposition à la teneur de la jurisprudence antérieure (A). Le critère relatif à la durée constituait pourtant un enjeuconsidérable (B), en ce qu’il permettait la distinction de la mise à pied ayant un caractère disciplinaire de celle ayant un caractère conservatoire.

A) La durée indéterminée comme critère de la mise à pied conservatoire

La mise à pied disciplinaire et la mise à pied conservatoire, constituent deux catégories juridiques distinctes qui obéissent à des régimes juridiquement différents. Toutl’enjeu se situe alors dans les critères permettant leur distinction.
Conformément à la teneur de la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation, une mise à pied décidée par l’employeur pour un temps déterminé revêt un caractère disciplinaire. Désormais, depuis l’arrêt de la chambre sociale du 18 mars 2009, la durée indéterminée de la mise à pied n’est plus le critère décisif de la qualificationde mise à pied conservatoire. En d’autres termes, la mise à pied à durée déterminée peut avoir une nature conservatoire. Le présent arrêt constitue donc un revirement de jurisprudence.

Historiquement, la jurisprudence relevait à la fois la durée déterminée de la mise à pied et la qualification disciplinaire donnée à la mesure par l’employeur lui-même. Ainsi, la mise à pied prononcée pour unedurée de trois jours « sans préjuger d’une éventuelle autre sanction » (Soc.30 juin 1992), ou qualifiée par l’employeur de « sanction immédiate et prononcée pour une durée déterminée » (Soc. 3 mai 2001), n’était pas une mesure conservatoire mais disciplinaire.
Par la suite, la jurisprudence a appliqué avec rigueur la règle selon laquelle « la mise à pied conservatoire étant nécessairement à…