Commentaire composé sur la nouvelle « monseigneur » d’anton tchékhov

décembre 27, 2018 Non Par admin

L’influence d’Anton Tchékhov sur l’évolution de la nouvelle dans la littérature mondiale du XXe siècle est considérable. Estimant que « la brièveté est sœur du talent », il érige en idéal de perfection la sobriété, la simplicité, l’économie de moyens et la concision. Il s’agit pour lui de peindre la vie dans toute sa complexité – mais de la manière la plus ramassée, la plus sobre possible. Ilpublie à partir de 1880 de nombreux récits humoristiques, brefs croquis des absurdités du quotidien qui auront beaucoup de succès. Vers le milieu des années 80, l’humour de ces récits acquiert des résonances plus complexes – comme c’est le cas dans Monseigneur, la nouvelle qui nous intéresse.

Les personnages tchékhoviens, de tous milieux et de toutes conditions, sont des gensordinaires devant qui se dérobent soudain, à la faveur d’une circonstance souvent mineure, les repères familiers. De fait, toutes les nouvelles de Tchékhov racontent l’histoire d’une révélation troublante, généralement inutile. Par ailleurs ces récits – tout comme le théâtre tchékhovien – peignent le quotidien, la torpeur provinciale. Pour ce faire, ils empruntent à l’objectivité du médecin –rigoureuse mais attentive à l’individu, puisque chaque cas est particulier. Du reste, ils parlent souvent de destins avortés, de non-communication, car ces thèmes tiennent extrêmement à cœur à Tchékhov.

Il est certain que l’écriture tchékhovienne se caractérise par une tonalité majoritairement pessimiste et mélancolique, malgré l’humour toujours présent. C’est ainsi que LéonChestov surnommait Tchékhov « le chantre de la désespérance » – et il ajoutait : « Il a tué les espoirs humains vingt-cinq ans durant ; avec une morne obstination, il n’a fait que cela. » Effectivement, les récits et pièces de Tchékhov – qui ont pour point commun de peindre la misère de la condition humaine – semblent n’exprimer que tristesse et désenchantement. Ainsi, Monseigneur est l’histoire d’unvieil évêque qui, arrivé à la fin de sa vie, ressent avec acuité sa solitude et son abandon. Ce récit dépeint également les sentiments d’irritation, de lassitude et d’insatisfaction qui assaillent le vieillard se penchant sur sa vie – car Tchékhov avait une conscience aiguë du non-sens et de l’absurdité de l’existence.

Monseigneur est donc un récit sur la solitude et sur lamort – récit d’autant plus poignant que Tchékhov malade s’y met lui-même en scène. Cependant, le pathétisme ne constitue pas la seule tonalité de cette nouvelle où la solitude et la mort même semblent s’effacer devant une poésie du quotidien. Du reste, les incursions lyriques dans une trame réaliste sont fréquentes chez Tchékhov, particulièrement dans les œuvres de la maturité. Par ces alternances deréalisme et de poésie, l’auteur veut obliger son lecteur à réfléchir, à revenir sur lui-même et sur la pauvreté de sa vie.

Ainsi, Tchékhov se propose de « décrire la vie telle qu’elle est », avec sa part d’ennui et de médiocrité – ce qui est pour l’auteur prétexte à une écriture de la dérision et du pessimisme. Mais cette vie banale, il entend la décrire d’après les canonsd’une esthétique entièrement nouvelle. Du reste, il serait absurde de réduire Tchékhov au réalisme, car il pratique le mélange des genre et le « tragique des petites choses » alterne dans ses récits avec un lyrisme suave. Dans cette perspective, il conviendra d’étudier d’abord Monseigneur comme un récit du quotidien – relatant la vie et la mort d’un vieil homme, « le plus insignifiant de tous » ;puis nous nous arrêterons sur les questions existentielles que pose cette écriture du quotidien ; enfin, nous nous attacherons à déceler et analyser le lyrisme tchékhovien dont cette nouvelle est imprégnée – et qui finit par transcender la tristesse et le pessimisme inhérents à l’écriture de Tchékhov.

I – Une écriture du quotidien

Comme nous l’avons vu en introduction,…