Commentaire arret

novembre 23, 2018 Non Par admin

Commentaire d’arrêt, Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 8 février 2005

Au XVIème siècle, Robert Garnier écrivait que « l’on ne peut gouverner les enfants d’aujourd’hui ». Ce dramaturge français aurait probablement adouci son jugement lapidaire s’il avait su, que deux cents ans plus tard, on en viendrait à légiférer pour définir le responsable des dommages causés par leur fait.
L’alinéa4 de l’article 1384 du Code Civil dispose en effet que « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
Depuis l’arrêt Bertrand rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation le 19 février 1997, seule la force majeure ou la faute de la victime peut exonérer les parents dela responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux.
Il est intéressant d’étudier quelle application est faite aujourd’hui par la Cour de Cassation du quatrième alinéa de l’article 1384 du Code Civil. Cet article a été récemment appliqué dans un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 8 février 2005.
En l’espèce,Grégory Z. vit depuis l’âge de un an avec sa grand-mère, Marie-Thérèse Y, et Charles X, concubin puis mari de celle-ci.
A l’age de treize ans, Grégory Z. allume volontairement un incendie qui cause des dommages.
Le Tribunal pour enfants de Strasbourg condamne la grand-mère et le compagnon, puis mari, de celle-ci à indemniser la victime. Appel est interjeté de cette décision.
Dans un arrêt confirmatifdu 1er juillet 2003, la Cour d’Appel de Colmar retient la responsabilité des époux X.
Les époux X se pourvoient en cassation.
L’arrêt attaqué soutient que la cohabitation de Grégory avec ses parents avait cessé, que les époux X. étaient investis de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur et que l’application de l’article 1384 alinéa 4 doit être écartée.
Lepourvoi soutient que la cohabitation de l’enfant mineur et de ses père et mère n’a pas cessé et donc que leur responsabilité de plein droit doit s’appliquer.
Le fait qu’un enfant mineur vive pendant douze ans chez sa grand-mère selon la convention passé entre ses parents et cette dernière fait-il cesser la cohabitation de l’enfant avec ses père et mère ?
La Cour de Cassation annule l’arrêtattaqué en énonçant que « la circonstance que le mineur avait été confié, par ses parents, qui exerçaient l’autorité parentale, à sa grand-mère, n’avait pas fait cesser la cohabitation de l’enfant avec ceux-ci »
Cette solution modifie la notion de cohabitation (I) pour ne pas mettre en jeu la responsabilité des grands-parents (II).

I/ La modification de la notion de cohabitation introduite parl’arrêt du 8 février 2005

L’arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 8 février 2005 finalise l’évolution jurisprudentielle de l’affaiblissement de la notion de cohabitation (A) en imposant la notion de cohabitation juridique (B).

A) L’affaiblissement jurisprudentiel de la notion de cohabitation

Depuis plusieurs années la Cour de Cassation abandonne la conceptiontraditionnelle de la notion de cohabitation (1) pour lui préférer une conception extensive (2).

1. La conception traditionnelle de la notion de cohabitation

La première conception de la cohabitation était une conception factuelle. L’enfant mineur ne cohabitait avec ses parents qu’au moment où il vivait effectivement sous leur toit. Ainsi, la responsabilité parentale était écartée pour défaut decohabitation lorsque l’enfant était en vacances chez ses grands-parents (Cass. 2ème Civ., 24 avril 1989), lorsqu’il poursuivait ses études dans une ville éloignée (Cass. Civ., 4 juillet 1951), lorsqu’il résidait dans un pensionnat (Cass. Soc. 19 juin 1972) ou était confié à un organisme scolaire (Cass. 2ème Civ., 12 février 1972).
Cette conception traditionnelle de la cohabitation résultait de…