Rabelais
Rabelais, auteur grotesque du XVIème siècle, a une triple formation : médicale, humaniste et évangélique. Il écrit en 1532 et 1535 respectivement, Pantagruel et Gargantua, deux romans grotesques satiriques, critiquant les mœurs religieuses de l’époque et l’Eglise catholique. Les deux récits retracent les aventures et l’éducation de deux géants, Gargantua et son fils Pantagruel, modèleshumanistes et évangéliques, pleins de joie et toujours prêts à bien boire et bien manger.
Au sujet de Rabelais, Erich Auerbach écrit : « Pour lui, l’homme est bon quand il suit sa nature (…) l’homme se réjouit de sa propre existence, des fonctions de son corps, des forces de son esprit (…). C’est à cette pulsation de la vie dans les hommes et dans la nature que va la sympathie de Rabelais, c’est ellequi suscite sa soif de savoir et la puissance de sa représentation verbale ; c’est par elle qu’il devient poète, car il est poète, et même poète lyrique (…) C’est la vie terrestre triomphante que son réalisme ne cesse de dépeindre. »
L’idée d’Erich Auerbach veut montrer l’influence, qu’a cette pulsation de la vie dans la création littéraire rabelaisienne, car elle est à l’origine de tout. Elleinspire à Rabelais cette confiance en l’homme, à condition qu’il ne tente pas de s’opposer à sa nature. Cette nature est corporelle, elle obéit à son corps, l’homme doit se soumettre à ses besoins, soigner son corps et obéir à sa volonté. La pulsation de la vie est également la cause de sa soif de savoir, savant mélange entre médecine et aspirations humanistes, mais tout de même tempérée par sa foiévangélique. Enfin, la vie suscitant la joie, elle a un grand impact dans toute l’œuvre rabelaisienne, regorgeant de joie de vivre qui s’exprime à travers le lyrisme, le réalisme grotesque et le renversement carnavalesque.
La toute première chose contre la quelle ne devrait pas lutter l’homme sont les plaisirs de son corps et Rabelais semble y mettre un point d’honneur.
Le thème du vin est lesujet qui revient le plus souvent dans ses œuvres, il suffit d’examiner les noms de ses deux héros : « Gargantua » est la contraction de « quelle grand tu as », paroles que prononcent sa mère, Gargamelle lorsqu’à sa naissance, Gargantua s’écrie « A boire ! A boire ! » premiers mots assez insolites pour un nouveau né. Pantagruel, quant à lui, signifie « l’éternel altéré ». Même les ecclésiastiques,comme Frère Jean des Entommeures, brave défenseur du clos de l’Abbaye de Seuillé et Maître Janotus de Bragmardo, qui ivre, harangue Gargantua pour qu’on lui restitue les cloches de Nôtre Dame, semblent être de grands amateurs de vin.
Et comme le vin va de paire avec le repas, ce dernier est très ancré dans les récits de Rabelais. Il en devient même dans l’éducation de Gargantua un des momentsphares de sa journée. La nativité des géants étant décidément un évènement curieux, on y retrouve un foisonnement de nourriture ; tout comme à celle de Pantagruel, où sortent de Badebec des caravanes chargées de vivres. L’accouchement ayant fatigué sa mère, la naissance de Pantagruel signifie aussi la mort de Badebec et la meilleure solution que trouve Gargantua pour le deuil de sa femme est des’empresser de « mieux festoyer les commères ». Cela montre l’importance que porte Rabelais à l’idée de toujours faire bonne chère, car la naissance et le décès de quelqu’un devait être dans la littérature de l’époque un moment solennel et grave, qui se voit ici gâté par cette abondance de vin et de mets.
Cependant, suivre les besoins que son corps impose à l’homme n’apparaît pas suffisant àRabelais, il semble vouloir nous montrer qu’il est aussi primordial de suivre la nature de son esprit, sa propre volonté et non pas celle qui nous est dictée par les conventions et mœurs de notre époque. On sent particulièrement cette idée dans ses critiques de l’Eglise du XVIème siècle qui souhaite imposer aux fidèles de mauvaises pratiques religieuses. Cette critique, on la doit à l’appartenance de…