Nature 1 decouvertes
Stratégique, chapitre 4, 8e édition
Gerry Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington, Frédéric Fréry
Nature & Découvertes, vers le commerce vertueux
En 2008, dix-huit ans après sa création, la chaîne de magasins Nature & Découvertes concrétisait le rêve de son fondateur, François Lemarchand : créer une entreprise citoyenne et engagée pour la planète. À première vue, il s’agissait d’uneentreprise de distribution d’un millier de salariés qui, avec 61 magasins en France et deux en Belgique, avait réalisé en 2006 un chiffre d’affaires de 154 millions d’euros auprès de 5,8 millions de clients. Sa gamme de produits (matériel de plein air et de randonnée, livres, aromathérapie, outillage de jardin, jumelles pour l’observation des oiseaux, etc.) était centrée sur la découverte de la natureà l’usage des citadins. Cependant, par-delà cette activité commerciale, Nature & Découvertes répondait à une vocation militante. Chaque année, 10 % de son bénéfice net étaient réinvestis dans une fondation qui finançait des projets associatifs de protection de la planète : réintroduction de vautours dans la Drôme, dépollution de rivières, etc. De même, le club associatif Nature & Découvertesorganisait des stages et des animations pédagogiques destinés à faire découvrir la nature à des milliers de citadins : savoir écouter les oiseaux, utiliser une lunette astronomique ou suivre des conférences sur la faune et la flore dans la vallée de la Loire. Enfin, la gestion de l’entreprise elle-même en faisait un cas à part dans le paysage de la distribution : chaque étape de la chaîne de valeurfaisait l’objet d’une réflexion approfondie en termes de protection de l’environnement, de développement durable ou de responsabilité sociale. Même s’il était fier de sa création, François Lemarchand tenait à ne pas utiliser de manière trop commerciale ce positionnement éthique : « Utiliser de bonnes actions comme levier marketing serait épouvantable […] il faut le faire, sans trop en dire. » Pourautant, l’équilibre entre une activité commerciale et une démarche de développement durable était parfois difficile à réaliser.
Le tremplin Pier Import
En 1975, François Lemarchand, alors âgé de 25 ans, poursuivait ses études à l’université de Harvard après avoir été diplômé de l’ESCP. C’est aux États-Unis qu’il fut séduit par le concept des magasins de décoration Pier 1 Imports. Créée en 1962à San Francisco, cette chaîne spécialisée dans les stocks d’invendus en provenance d’Asie s’était rapidement étendue à toute l’Amérique du Nord et à l’Europe avant d’être cotée à la Bourse de New York en 1972. Cependant, après cette trop rapide expansion, l’activité connaissait quelques difficultés. François Lemarchand fut chargé par la direction américaine du groupe de fermer la dizaine demagasins – tous déficitaires – que comptait la chaîne en France et en Belgique. Au bout de trois mois, en mobilisant toutes ses économies, il proposa à la maison mère de racheter ces magasins, qu’il renomma Pier Import. Il s’appuya alors sur sa véritable passion, le voyage, pour dénicher des fournisseurs – souvent des artisans – non seulement en Asie mais également dans la plupart des pays du sud. Celalui permit de constituer une gamme originale qui devint rapidement à la mode : ces objets exotiques (meubles en rotin, encens, statuettes indiennes, etc.) ne se trouvaient alors nulle part ailleurs. En dix ans, il multiplia le nombre de magasins par cinq et le chiffre d’affaires par trente, passant de 2,3 à 67 millions d’euros. Cependant, à la fin des années 1980, le positionnement de Pier Importétait imité par la grande distribution, qui imposait aux fournisseurs des conditions tarifaires particulièrement exigeantes contre lesquelles François Lemarchand ne souhaitait pas lutter. En 1988, il décida donc de vendre Pier Import à ses salariés pour près de 22 millions d’euros. Grâce à ce capital, il se lança dans la création de fermes d’aquaculture dans toute l’Europe, en partant du…