Nature et culture

août 28, 2018 Non Par admin

Nature et culture – 1

Avertissement préalable

Proposer aujourd’hui un cours intitulé « Nature et culture » dans le cadre d’une préparation au baccalauréat exige justification. Il est exact, comme on peut le constater en consultant les Instructions officielles, que si la « culture » demeure comme groupement de notions (incluant l’art, le langage, le travail, la religion et l’histoire), la »nature », elle, a disparu des programmes des séries générales (il semble bien qu’elle ait été remplacée par « le réel »). Elle figure en revanche dans les programmes des séries technologiques, soit seule, soit accompagnée de « l’histoire ». Pourtant, le tandem « nature et culture » comptait parmi les notions dans les anciens programmes, ainsi que dans la réforme si contestée proposée par M. Alain Renaut en2000 (retirée dès 2003). (Ci-contre, le Masaï, par Christine Dujardin.)

J’ai cherché les motifs de cette suppression. Sans succès. Je le regrette fort, car je ne me l’explique pas.

Au contraire, le couple « Nature et culture » me paraît porteur d’interrogations transversales qu’il convient d’examiner (fût-ce rapidement) pour comprendre certains enjeux fondamentaux du monde contemporain. Dansl’économie de mon cours, « Nature et culture » permettait même de cadrer les questions politiques essentielles dans un rapport « culturel » typiquement occidental à la « nature ». Je pouvais donc l’employer à la fois comme transition entre les parties épistémologique et politique, et comme occasion de ressaisir certains problèmes essentiels dans un éclairage nouveau – par exemple le projet cartésien. Cemême cours me permettait en outre, à un moment crucial de l’année, de provoquer chez les élèves une réflexion indispensable sur l’ensemble de l’éducation qu’ils avaient reçue jusque-là.

Introduction

Nietzsche nous invitait (voir ce cours) à constater que la puissance du vivant (ce qu’il appelle « l’instinct de vie ») commandait, souterrainement, à toutes les productions humaines. Ce faisant, ilesquisse l’opposition entre des principes biologiques permanents (et valables aussi pour d’autres espèces que l’humain) et l’ensemble des productions humaines (le « grand art », voir le texte en tête dece cours), y compris l’art et la science, qui, précisément, sont « produits » par l’humain, et se présentent, comme nous le découvrons depuis le début du cours de philosophie, sous forme de pratiques etde connaissances.

Le fait est que vous ne possédiez pas ces connaissances au départ, héréditairement ou génétiquement. A vrai dire (des générations entières vous le prouvent), vous auriez fort bien pu vivre (et réussir !) votre vie entière sans avoir la moindre connaissance sur l’acte perlocutoire, sur l’effet tunnel, ou sur le Tricheur à l’as de carreau. Toutes ces informations, il vous afallu les découvrir, les mémoriser, bref, fournir un effort pour les intégrer afin de les mobiliser le jour de l’examen. Elles sontacquises. En revanche, si tout à coup une détonation ébranle la maison voisine, vous allez bondir de surprise et de peur. De même, lorsque le pédiatre vous tape le genou, votre jambe se trouve agitée d’un spasme. Ces réactions sont spontanées, instinctive, réflexes,bref, innées. Remarquons tout de suite l’intangibilité de ces réflexes par rapport à l’extrême variabilité de vos connaissances. On apprend beaucoup plus vite les informations qu’on n’acquiert un réflexe (tous les musiciens le savent). Il faut un effort de longue haleine pour se déprendre d’une habitude (tous les anciens fumeurs en ont fait la pénible expérience), quelques secondes suffisent pour oublierun nom ou une date. Les cadences respectives de la mémoire et de l’habitude se découplent, voire se contrarient. Remarquons aussi que les réflexes sont, dans leur très grande majorité, les mêmes pour tout le monde. La détonation fait sursauter aussi bien un adolescent français qu’un artisan lybien, un vieillard inuit ou une mère de famille péruvienne. La nature nous rapproche les uns les…