Roman historique

septembre 21, 2018 Non Par admin

Walter Scott raconte dans le Post-scriptum à Waverley et surtout dans sa Préface générale de 1829 au cycle des Waverley Novels que le début de Waverley, son premier roman, a été écrit presque dix ans avant la composition du roman lui-même. Cette première partie n’avait rien d’historique et bien qu’il laisse entendre le contraire, il est probable qu’en 1805, il n’avait pas encore le projetd’écrire un roman historique. Cette première partie est liée à la nouvelle rédaction en particulier grâce aux premières phrases du roman : « Il y a soixante ans qu’Édouard Waverley, le héros de cet ouvrage, quitta sa famille pour joindre le régiment de dragons dans lequel il venait d’obtenir une commission d’officier. Ce fut un jour de tristesse au château de Waverley-Honour, que celui où le jeune militaireprit congé de sir Éverard, l’oncle affectionné dont il était l’héritier »1. Il y a donc un jeune homme qui quitte la maison de son père pour aller dans des régions lointaines et sauvages. L’intrigue romanesque est située dans cet espace autre. Une fois que les Highlands ont été pacifiées (non par lui, mais malgré lui), il peut revenir à la maison de famille, le château de Waverley. Mais la viedans cette maison se situe au delà du roman, parce qu’elle n’est pas romanesque. Le modèle de Waverley, qui pose deux espaces, change avec Ivanhoé.
Le début d’Ivanhoé consiste en une description très précise du lieu géographique qui sera l’unique théâtre de la narration et donne des informations sur l’époque historique dans laquelle elle se déroule. Après cet incipit qui répond à deux desquestions fondamentales des débuts qu’Andrea Del Lungo résume par les deux adverbes : « où ?, quand ? »2, ce n’est qu’au deuxième chapitre que le lecteur connaît les protagonistes et les enjeux du roman et il doit attendre le douzième chapitre pour reconnaître Ivanhoé, le héros du roman banni par son père. L’histoire narre donc le retour dans les terres de son enfance du protagoniste qui a acquis unegrande expérience aux croisades. Il contribuera à rendre la paix à son Pays, et retrouvera sa place légitime dans la maison paternelle. Le modèle d’Ivanhoé, privilégiant la description topographique, l’arrivée dans une région de quelqu’un et le déroulement de toute l’histoire dans cette même région, a été considéré par ses contemporains comme plus novateur.
On retrouve le même genre de début queWaverley dans deux des plus importants romans historiques français. Dans le premier chapitre de Cinq-Mars, qui s’appelle justement Les Adieux, le narrateur commence par donner une description générale de la Touraine et, par un rapprochement progressif, en vient à présenter le château de Chaumont et ses hôtes, et enfin, à nommer Henri d’Effiat qui vient faire ses adieux à sa famille : « Toutel’escorte partit et, cinq jours après, entra dans la vieille cité de Loudun en Poitou, silencieusement et sans événement »3. Ce n’est qu’une étape – où il y aura un épisode important mais satellite, celui du couvent de Loudun – sur la route qui le mènera à Paris et à la cour.
C’est par un procédé similaire que l’on entre dans La Chronique du règne de Charles IX : grâce à la formidable description d’uneniche contenant une Madone et d’un mur où sont écrites des inscriptions menaçantes de Catholiques et de Protestants (différentes mais néanmoins analogues), le narrateur introduit aux temps des guerres de religion4. Les deux premiers chapitres, moins importants pour l’intrigue, montrent la confusion et la naïveté de Bernard qui vient de sortir de la maison de son père pour rejoindre Paris. C’est auchapitre suivant que Bernard rencontre son frère et voit pour la première fois Diane de Tourgis, l’héroïne du roman. Les voyages des protagonistes de Vigny et de Mérimée sont dans un registre encore picaresque. Ils sont dominés par l’aventure et ils servent à présenter le caractère du héros et les contradictions du temps.
En revanche le début canonique du roman de Scott est beaucoup plus…