Le sport
Le sport, capitaliste par essence
Par Michel Caillat, professeur d’université, membre du mouvement Critique du sport (*).
Le 25 novembre 1892, Pierre de Coubertin lançait à la tribune du » jubilé « de l’Union des sports athlétiques : » Exportons des rameurs, des coureurs, des escrimeurs : voilà le libre-échange de l’avenir et, le jour où il sera introduit dans les mours de la vieille Europe, lacause de la paix aura reçu un nouvel et puissant appui. » On sait ce que fut le XXe siècle : le siècle du mal et de l’indifférence. Non seulement le sport n’a pas limité la barbarie, mais il en futtoujours le complice (à Berlin en 1936, en Argentine en 1978, à Moscou en 1980).
Pourquoi, malgré ses centaines de millions de pratiquants, ses deux milliards de téléspectateurs réguliers, sesmilliers d’heures de radio et télévision, ses milliards de francs en jeu, le sport, cette » fiction maîtresse « , reste-t-il encore un sujet tabou et consensuel, exclu de tout débat politique sérieux ? Onpeut avancer deux raisons essentielles parmi beaucoup d’autres, l’opposition des extrêmes (amour contre aversion ou désintérêt) n’étant pas la plus négligeable.
La première, c’est la volontéd’entretenir le flou sur la définition même du mot. À partir du moment où l’on qualifie pareillement celui qui se balade à bicyclette le dimanche en famille et le coureur du Tour de France, le sport devientintouchable. Qui oserait s’attaquer aux soixante millions de sportifs français ?… Pour ne plus accepter la philosophie (les » valeurs « ) inscrite dans le langage spontané, nous devons d’abord dire de quoil’on parle : du sport compétitif institutionnalisé (de clubs), des pratiques dites de loisirs qui le copient dangereusement, ou de la simple activité physique, le » desport » de l’ancien temps ? (1)
Laseconde raison tient au fait que dans l’univers capitaliste du marché, de la mondialisation entropique, de la dictature de l’économie, le sport apparaît encore comme un îlot de pureté, de…