Intertextualité et structuralisme
Intertextualité et structuralisme : Les deux figures de la confusion
Le cas navrant du roman policier comme tentative d’approche de la littérature populaire
Réponse à l’essai de M. Moez Lahmédi
Dans Europolar n° 6, M. Moez Lahmédi présente une étude dans laquelle il réduit l’écriture du roman policier au jeu de l’intertextualité. Essai critique, paradoxe brillant, raccourci saisissant oufroide décapitation ? Il est difficile de juger, et l’on ne peut opposer ici l’argument d’un langage technique complexe susceptible d’interprétation. Cela signifierait alors que l’essai n’est pas formellement accompli : or, il se présente en tant que texte scientifique et l’on peut encore subsumer comme primat de la rigueur scientifique, l’univocité de sa langue. Après tout, les cuistres sont moinsceux qui utilisent un jargon que ceux qui dévoient la science à des règlements de compte sommaires.
Telle n’est sans doute pas l’intention profonde de M. Lahmédi, et je ne lui ferai aucun procès sur ce point. Par contre, il m’apparaît utile de revenir précisément sur la validité de son exposé, tant ce dernier est susceptible d’interprétations déplaisantes.
1°) le rappel de l’affaire :L’auteur a souhaité étudier, dans un cas particulier, celui du roman policier, la méthode d’analyse dite de l’intertextualité, consistant notamment à rechercher dans le texte, et donc dans le signe écrit, la matière d’une typologie des procédés de construction romanesque.
Admettons le postulat de l’auteur selon lequel, et nous y retrouvons beaucoup de la doctrine écoienne, le produit écrit importeplus que l’idée créatrice, et suivons la démonstration de l’intertextualité « policière » selon la terminologie en raccourci de M. Lahmedi.
Elle est certainement différente, puisqu’elle fonctionne sur un aménagement de textes antérieurs, fondant pour l’auteur la base matérielle de sa future opération de collage et de grattage. A l’instar des copistes médiévistes, l’écrivain « policier »récupère le papier des anciens grimoires pour le laver et y retranscrire d’autres ouvrages.
A ce stade de la démonstration, je propose de l’appeler le colleur pour le distinguer du romancier.
L’auteur sentant le propos réducteur de l’action de palimpseste, intervient pour rappeler l’autre face de l’intertextualité en tant que jeu de lecture, le lecteur selon son degré de culture étant susceptible demettre ou non en relation le texte lu effectivement avec d’autres livres déjà parcourus. Bien entendu, ce phénomène est indépendant du genre littéraire et de l’objet livre lui-même, comme le reconnaît M. Lahmedi.
Sauf que le roman policier fait souvent allusion à d’autres romans du même genre, et crée donc un dynamique de répétition. Or, le lecteur redécouvrant dans un ouvrage les figures d’unou de plusieurs autres se sentira enclin à entrer dans le jeu de lecture, dans le « contrat » ainsi institué et prenant valeur de lecture naturelle.
A noter, dit M. Lahmédi, que la répétition systématique se solderait par une fossilisation du genre à court terme, et qu’il faut donc supposer une dynamique méta-textuelle cette fois. L’inventivité du colleur policier consiste dans sa capacité àécrire le même, sauf à la fin, de manière à procurer au lecteur contractualisé un effet de surprise. Certes, si l’on veut analyser la méthode employée, l’effet de surprise fait lui aussi bien partie du contrat et le colleur a de la chance de trouver des lecteurs aussi bienveillants.
Ceci étant, comment en est-on arrivé à cette situation ?
Parce que d’abord, dit l’auteur, le colleur policier abesoin de prendre des textes et de leur donner valeur d’indices. En les dispatchant habilement, en les aménageant en collage signifiant à la manière des premiers cubistes, le colleur permet au lecteur avide de repères familiers une progression dans le texte. Parce qu’ensuite, cette fonction indicielle se double d’un fonction réflexive : le lecteur lisant des morceaux qu’il connaît déjà se…