Etude d’un roman policier moderne: noir ; narrateur en « tu »; onirisme.doc

décembre 11, 2018 Non Par admin

Très bref essai littéraire sur Noir

Axes d’étude principaux :
* Un roman policier
* Un roman moderne : influences « nouveaux romans »
* Un roman en « tu »
* Un roman onirique : visages et figures, du motif au cauchemar

Un roman policier
Il n’est pas difficile d’identifier le sous-genre auquel appartient Noir : le roman policier… noir ! Tous les plus puissants clichés dugenre y sont comme compulsés : un détective privé aux vêtements fripés (et peu frais), à l’alcoolisme prononcé, trainant sa nausée tout le roman ; une aide précieuse (la secrétaire efficace) ; des clients douteux comme la coutumière veuve sexy un peu trop jeune pour être honnête ; sans parler des lieux, plus malfamés les uns que les autres : bar à danseuses « exotiques », ruelles sombres et trufféesde mafieux divers, etc.
Et surtout, ce quasi-mythe de l’Affaire avec un « A », l’affaire qui va mal tourner : scénario ultra-classique de la conspiration universelle et du combat épique qui s’en suit entre le héros, seul, et le reste du monde.

Un roman moderne
Néanmoins, ce récit dénote par sa singulière construction. En effet, on devine l’influence du « nouveau roman ».
Point de littératurehistorique : le nouveau roman, apparu au début du XXe siècle, a à peu près les mêmes objectifs que le théâtre absurde, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une entreprise de destruction fictionnelle ; la fiction ne doit pas pouvoir se réaliser car les constructions romanesques habituelles sont « brisées ».
Dans Noir, s’il a une apparence de but (résoudre l’enquête), le protagoniste semble plutôt errerd’un bar à un autre pour trouver des informations comme le ferait un personnage de policier (et comme un robot programmé pour ça), mais cela s’arrête là car c’est sa secrétaire qui fait tout le travail : c’est elle qui recueille les informations les plus importantes.
Ici s’arrête l’analogie avec l’esthétique du « nouveau roman », car c’est bien pour le plaisir du lecteur que ce personnage est« lâché » dans le récit : les multiples « histoires », perdant leur sérieux, deviennent une véritable galerie cocasse et rocambolesque de personnages haut en couleur, comme cette jeune femme tatouée sur l’intégralité du corps par deux « caïds » qui cherchent à s’insulter par ce biais. Il s’agit donc d’un plaisir parodique où le lecteur féru de littérature policière saura reconnaître et rire des« convenances » (ou codes) du genre.

Le narrateur en « tu »
Le choix de la voix participe d’ailleurs à ce renouvellement structurel du genre puisqu’il offre un narrateur peu habituel, un narrateur en « tu ».
D’un point de vue narratologique, la constitution d’un narrateur-personnage accélère l’identification par rapprochement du lecteur et permet ainsi une empathie pour le personnage plus aisée et plusforte (le lecteur « vit » ce que le personnage « vit »), au contraire d’un auteur-narrateur en « il » qui retarde l’identification par une légère mise à distance du personnage (il est montré au lecteur, non plus « plongé » dedans).
Et qu’en est-il du « tu » ? Est-ce « entre les deux » ? Peut-on seulement définir cet « entre deux » ? Toujours est-il que l’identification est largement possible : siun ami veut nous prendre à témoin en nous incluant dans un récit il pourra utiliser le « tu » : « tu vois, tu t’avances vers le type et qu’est-ce que tu lui dis ? Ben tu lis dis bonjour, etc. » et l’identification peut très bien fonctionner.
Alors le « tu » est-il plutôt un « je » (atténué peut-être) ou un plutôt un « il » (idem) ? Eh bien, tout dépend de la focalisation adoptée. Ici, il s’agitclairement d’une focalisation interne : le lecteur a accès aux pensées du protagoniste et a un point de vue limité à ce que sait et perçoit celui-ci. Donc, plutôt un « je », un personnage-narrateur.
Il nous faut aller plus loin cependant. Comme son nom l’indique, « tu » est une deuxième personne : son utilisation implique une communication à deux personnes (« je » communique avec « toi »…