Le defi du sage cicéron
XLI. «Je suis véritablement plein de cette espérance, que la mort qui m’attend, sera un avantage pour moi. Car il faut nécessairement l’un des deux, ou qu’à la mort nous perdions tout sentiment, ou qu’en sortant de ces lieux nous allions en d’autres. Si donc nous perdons tout sentiment, et que la mort ressemble à un profond 647 sommeil, dont la tranquillité n’est troublée par aucun songe, bons Dieux ! que l’on gagne à mourir? Y a-t-il bien des jours qui soient préférables à une nuit passée dans un si doux sommeil? Et supposé qu’après la mort, toute l’éternité ressemble à une tellenuit, quel homme plus heureux que moi! Mais si, comme on le dit, la mort nous envoie dans un séjour destiné à une autre vie, c’est un bonheur plus grand encore. Quoi, échapper d’entre les mains dejuges qui n’en ont que le nom; se trouver devant Minos, Rhadamanthe, Éaque, Triptolème, qui sont de véritables juges; et n’avoir plus de commerce qu’avec des âmes qui ont toujours chéri la justiceet la probité! Que pensez-vous d’un voyage dont le terme est si agréable? Vous paraît-il que de pouvoir converser avec Orphée, avec Musée, avec Homère, Hésiode, cela soit à compter pour peu? Jevoudrais, s’il était possible, mourir plusieurs fois, pour arriver où l’on jouit de cette félicité. Quel charme pour moi d’y voir Palamède, Ajax, tant d’autres qui ont été injustement condamnés! Ilme semble qu’à nous conter nos aventures, nous y trouverions un plaisir réciproque. Mais un plaisir que je mettrais au-dessus de tous, ce serait d’y passer le temps à interroger, à examiner lesuns et les autres, comme j’ai fait ici, pour démêler ceux qui ont été véritablement sages, d’avec ceux qui, ne l’étant pas, se piquaient de l’être. J’y étudierais, par exemple, quelle a été lasagesse du roi Agamemnon, celle d’Ulysse, de Sisyphe, d’une infinité d’autres hommes et femmes. Et pour avoir fait cet examen, il ne m’arriverait point, comme ici, d’être condamné au dernier…