Article histoire médievale
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Ce moine qui fit élire Hugues Capet…
Par Catherine De Firmas , Dominique Alibert
publié dans L’Histoire n° 205 – 12/1996 Acheter L’Histoire n° 205 +
Moine, archevêque, pape, grand mathématicien et fin lettré, Gerbert d’Aurillac fut aussi l’homme politique qui fit couronner Hugues Capet. Son seul but : réunifier la chrétienté sous la férule d’un empereurunique. Après la publication de sa correspondance, un grand colloque lui a été consacré en juin dernier, à Aurillac.
Gerbert d’Aurillac, né entre 940 et 945 en Aquitaine — peut-être en Auvergne —, fut sans conteste l’une des plus brillantes personnalités du monde des lettres du Xe siècle. C’est incontestablement à son intelligence qu’il doit d’avoir gravi les échelons de la hiérarchieecclésiastique. Issu d’un milieu relativement modeste qui ne le destinait pas à fréquenter les puissants, entré très jeune au monastère Saint-Géraud d’Aurillac, il apprend les premiers rudiments qui feront de lui un homme de science et un homme de lettres.
Homme de science, il l’est d’abord par sa profonde connaissance des mathématiques, qu’il apprit lors de son séjour en Catalogne où, dans les années 967, ilétait allé parfaire ses études à l’invitation du comte Borell. Homme de lettres, il fut le porte-parole, l’épistolier, d’un certain nombre de grandes figures de son temps : l’archevêque Adalbéron de Reims, dont il a été le collaborateur, évidemment ; mais aussi parfois Hugues Capet lorsque celui-ci avait une requête importante à présenter, et qu’il voulait flatter son correspondant.
Ainsi, quandil s’est agi de solliciter, pour son fils Robert (le futur Robert le Pieux), la main d’une princesse byzantine, Gerbert rédigea l’un de ces morceaux choisis de littérature épistolaire qui ont fait sa gloire :
« La noblesse de votre race autant que vos exploits glorieux nous encouragent et même nous contraignent à vous aimer, car vous paraissez tel que votre amitié puisse être jugée la plusgrande valeur du monde. Cette si sainte amitié, cette alliance si légitime sont l’objet de nos prières, sans qu’en elles nous recherchions vos royaumes ou vos richesses, mais ce présent engagement rend vôtre ce qui relève de notre droit et, si vous en êtes d’accord, l’établissement, aujourd’hui, de liens entre nous sera d’une grande utilité et apportera de grands avantages. En effet, si nous leurfaisons obstacle, ni Gaulois ni Germains ne harcèleront les territoires de l’Empire romain. Aussi, pour perpétrer ce bonheur et, puisque nous n’avons qu’un seul fils, lui aussi roi, auquel nous ne pouvons unir une épouse de son rang en raison de sa parenté avec les rois voisins, nous vous demandons avec une instance particulière l’héritière de votre saint empire. »
Mais s’il est un fin lettré et ungrand savant, Gerbert sait aussi être un homme d’action. Partisan de l’idéologie impériale qui vise à rassembler le peuple chrétien sous la férule d’un souverain unique, il est en effet un fidèle des Ottoniens depuis qu’en 962, Otton Ier (936-972) a rétabli l’empire sur les terres qu’il gouverne : l’Est du Rhin et l’Italie.
Après avoir chassé les Hongrois païens, le souverain a su asseoir sonpouvoir sur un réseau solide de duchés, où il a installé des membres de sa famille et de puissants évêques, et sur de grands monastères. Il apparaît à beaucoup comme un nouveau Charlemagne.
En 973, pour parfaire ses connaissances en logique, Gerbert rejoint Reims, un des plus grands centres d’études d’Occident, où siège, depuis 969, l’archevêque Adalbéron. Ce dernier est lui aussi un fidèle desOttoniens : il est issu d’une grande famille de Lotharingie (future Lorraine), le berceau du pouvoir carolingien, le c½ur de l’empire de Charlemagne. Adalbéron ne tarde pas à confier au brillant mathématicien la direction de l’école cathédrale, qui va devenir l’un des centres de la culture de la fin du xe siècle.
Mais Reims n’est pas un siège archiépiscopal comme les autres, c’est le bastion de la…