Démocratie locale en question

décembre 26, 2018 Non Par admin

OLIVIER THOMAS*

GOUVERNEMENT DES VILLES E T D É M O C R AT I E PA R T I C I PAT I V E : QUELLES ANTINOMIES ?

Les échos dont bénéficient les partisans de l’application accrue des principes d’une gouvernance urbaine aux villes françaises sont multiformes : de contributions dans la littérature scientifique en management public à la propagation de la croyance, dans la plupart des composantes dumaillage institutionnel local français, d’une nécessité impérieuse de démocratie locale renouvelée intégrant plus notablement le citoyen « de base », en passant par une déclinaison quasi publicitaire du cas « mythique » de Porto Alegre dans bon nombre de médias. Doit-on pour autant postuler l’adéquation entre une fin, le gouvernement d’une ville, et les moyens déclamés comme étant devenusinséparables d’une gestion des villes qui soit « efficiente » et acceptable ? Le « bon gouvernement » des villes françaises passe-t-il inéluctablement, comme un nombre croissant d’observateurs semblerait le penser, par une nouvelle et « bonne gouvernance » fondée sur l’instauration et la générali-

sation de décisions prises en vertu de l’application d’une démocratie de type participative ? L’hypothèseque nous tenterons ici de confirmer se risquera à partir du point de vue inverse. Nous nous inscrirons donc dans le prolongement d’une précédente contribution dans laquelle nous avions souligné que la gouvernance, si elle venait à gagner du terrain, se limiterait à des préoccupations strictement opérationnelles, et non stratégiques 1. Ainsi, nous poserons comme hypothèse de départ, pouvantparaître provocatrice, que la démocratie participative, expression concrète de la gouvernance au sein d’une ville, est grandement incompatible avec l’exercice du gouvernement effectif de cette ville. Gouverner une ville impliquerait alors l’impossibilité de satisfaire les volontés d’instauration d’une plus grande participation des citoyens à la prise des décisions stratégiques dans leur collectivitélocale. Afin de tester cette hypothèse, nous

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* Olivier Thomas est maître de conférences à l’université Montpellier-I, et chercheur au LEREPS (université Toulouse-I), [email protected] 1. Olivier Thomas, « Éléments d’analyse du gouvernement des villes françaises : entre gouvernance opérationnelle et gestion stratégique oligarchique », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 4, p. 691-708.P O U V O I R S – 1 0 4 , 2 0 0 3

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T H O M A S

détaillerons dans un premier temps les facteurs contribuant à favoriser la permanence d’une gestion oligarchique des villes, à travers la référence à une démocratie purement représentative et fondée sur le pouvoir électif. Le poids occupé dans les discours par la nécessité de la promotion de la participation des citoyens nousconduira enfin à analyser la stratégie des élus comme témoignage de la mise en œuvre de ce que nous qualifierons de « démocratie participative d’apparat ».
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et d’améliorer l’information disponible pour faciliter la participation citoyenne (b) ? Nous verrons en fait qu’un surcroît d’informations demeurera stérile s’il ne peut être intégré et ré-approprié par la population, faute depossession ex ante d’un langage commun (c). Dès lors, dans l’attente de mesures promouvant l’acquisition par le citoyen « de base » d’un tel langage, le rôle déterminant et incontournable des facultés d’expertise remettra en question la vraisemblance de l’expression à l’échelon local d’une démocratie réellement participative (d). La complexité cognitive et technique du management public local commeobstacle à la participation des citoyens L’un des obstacles dirimants à la participation des citoyens émerge à travers leur incapacité (ou impossibilité plus circonstancielle) à décrypter les intentions et enjeux, souvent obscurs et sousjacents pour eux, d’une politique donnée. Sans compréhension des objectifs, la mobilisation ne peut significativement s’opérer. La population, pour s’engager, a…