Le bailleur face à la procédure collective de son preneur
Nicolas DELACOURTE Master II « Juristes d’affaires »
Sujet : Le bailleur face à la procédure collective de son preneur.
L’année 2008 a été marquée par une crise financière sans précédent dont les conséquences se sont propagées à tous les pans de l’économie. Cette crise économique a renforcé une tendance déjà à la hausse, celle des défaillances d’entreprises[1]. Le nombre de jugementd’ouverture de procédures collectives est ainsi passé d’un peu plus de trente-sept mille en 2001 à près de cinquante mille en 2008[2].
La loi du 26 juillet 2005[3] de sauvegarde des entreprises a diversifié les procédures afin de mieux traiter les entreprises en difficulté et permettre d’atteindre un objectif, celui de « renforcer les chances de sauvetage de l’entreprise »[4]. La finalité de laréforme étant posée, il convient de se poser la question de savoir en quoi le bail commercial peut participer à l’objectif de redressement de la société ?
Le bail commercial, dont le statut résulte du décret du 30 septembre 1953, est un contrat par lequel une personne, le bailleur, donne à bail à une autre, le preneur, un immeuble ou un local à usage commercial, industriel ou artisanal, dans lequelil exploite son fonds de commerce. Ce bail est primordial pour le locataire qui souhaite exercer son activité puisqu’il constitue une valeur patrimoniale déterminante. Cette attention ne saurait faiblir lorsque les difficultés de l’entreprise le mettent en péril. C’est pourquoi, dès 1967, le législateur a prévu un ensemble de dispositions[5] qui réglait « l’importante question de la continuationou de la cession, sinon de la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité professionnelle du débiteur »[6] affecté par un jugement d’ouverture. La loi du 25 janvier 1985 a défini le régime des procédures collectives et a sacrifié la situation des créanciers au profit des objectifs de sauvegarde et de maintien de l’activité et de l’emploi. Le bailleur n’a pas échappé à cette paralysiedes droits des créanciers, au contraire, l’importance du bail commercial dans la perspective de sauvegarde de l’entreprise a contribué à renforcer les pouvoirs du preneur, ou plus précisément de l’organe de la procédure collective compétent. La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a accentué cette tendance générale, celle du sauvetage du bail autant comme siège de l’entreprise que comme valeurpatrimoniale. Les atteintes faites aux intérêts du bailleur ont été encore plus profondes ; en témoigne la volonté du législateur de créer un régime dérogatoire aux règles générales de continuation des contrats en cours. L’ordonnance du 18 décembre 2008 « portant réforme du droit des entreprises en difficulté », qui s’applique aux procédures ouvertes à compter du 15 février 2009, a eu pour mérite declarifier les normes obscures de la loi de sauvegarde, mais, dans le même temps, le pouvoir règlementaire a anéanti les possibilités pour le créancier de pouvoir échapper à la procédure collective de son preneur.
A la lumière de la nouvelle réforme du Droit des procédures collectives, on peut se poser la question de savoir quelles sont les conséquences pour le bailleur du sort fait au bailcommercial en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’égard du preneur ?
Afin de répondre à cette question et d’analyser la situation particulière à laquelle il fait face, il convient de montrer que le bailleur est sacrifié en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur (I) mais qu’il bénéficie, néanmoins, d’une marge de manœuvre restreinte qui lui est accordée pour ladéfense de ses intérêts (II).
I. Le bailleur sacrifié en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur
Dès l’ouverture de la procédure collective, l’équilibre des droits entre le bailleur créancier et le preneur débiteur est rompu puisque le régime applicable à celle-ci porte profondément atteinte aux intérêts du bailleur (A) dont le sort du contrat est aux…