Dissertation : « les réformes judiciaires de la constituante : principes et institutions. »

décembre 3, 2018 Non Par admin

Histoire des institutions
Dissertation : « Les réformes judiciaires de la Constituante : principes et institutions. »

« L’exercice du pouvoir judiciaire a été si étrangement dénaturé en France, qu’il est devenu nécessaire, non seulement d’en rechercher les vrais principes, mais de les tenir sans cesse présent à tous les esprits, et de préserver à l’avenir les juges, les administrateurs et lanation elle-même des fausses opinions dont elle a été victime jusqu’ici. » C’est en effet ce qu’affirma Jacques-Guillaume THOURET durant son fameux discours prononcé devant l’Assemblée Constituante le 24 Mars 1790.
Le peuple français aspire depuis bien longtemps à une nouvelle organisation judicaire. En effet, la justice d’Ancien Régime était l’une des institutions d’où émanaient les reprochesles plus virulents. Cependant, il s’agissait de réprobations justifiées, puisque durant cette période la justice était couteuse et inégalitaire. Les multiples degrés de juridiction la rendaient également complexe et peu accessible. De plus, les condamnations étaient souvent lourdes, cruelles et disproportionnées selon les catégories sociales concernées. C’est pourquoi seuls les juges tiraientprofit d’un tel système qui leur permettait de s’enrichir, essentiellement par le biais des épices, qui sont peu à peu devenues des redevances dues par les justiciables.
Néanmoins, des réformes judiciaires libérales avaient déjà été entreprises sous l’Ancien Régime. C’est en effet dès 1780 que la sellette et la question préparatoire, qui consistait à torturer un prévenu afin d’en retirer des aveux,sont abrogées. En outre LAMOIGNON, garde des sceaux en 1788, tentera en vain une réforme en vue de moderniser la justice. Mais elle sera vouée à l’échec par le comportement des parlementaires qui la rejetteront massivement.
C’est alors dans ce contexte pesant que de nombreux cahiers de doléances seront rédigés avant la réunion des Etats Généraux tant attendue. La justice sera au cœur de cesplaintes, conformément aux ouvrages parus précédemment. La population s’inspire notamment de l’œuvre de BECCARIA publiée en 1762, qui consacre les principes d’une justice répressive plus légitime. En effet, le système pénal était fondé sur l’arbitraire. Ceci signifie donc qu’aucune législation ne limitait les pouvoirs du juge, qui était le seul compétant pour apprécier l’infraction et les peines. Ilavait également la capacité de juger en équité, ce qui lui permettait d’interpréter la loi elle-même selon le cas d’espèce. Ce pouvoir sera d’ailleurs assimilé au bon plaisir du roi qui s’exprimait en matière politique.
C’est pourquoi l’Assemblée nationale, après s’être proclamée constituante le 9 Juillet 1789, devait s’atteler à la tache réformatrice qu’elle s’était fixée d’entreprendre. Ellesera cependant freinée dans l’application de son projet par la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Aout 1789, qui devait, tout en précédant la Constitution, en énoncer les principes fondateurs. Les lois des 16 et 24 Aout 1790 feront alors apparaitre les rudiments d’une justice plus légale et égalitaire, protégeant les libertés et conférant à l’individu une positiondécisive, encore accentuée dans la future Constitution, qui sera définitivement votée le 3 Septembre 1791.
Quels sont alors les principes et les institutions novatrices que la Constituante souhaite avaliser en matière judiciaire ?
Il est nécessaire de remarquer que la nation s’allie pour dénoncer les temps passés, afin de rénover les principes d’une justice inadaptée aux considérations naissantes(I). Mais elle cherche également à appliquer ces théories, en créant des institutions dignes de les incarner (II).
I. Une rupture avec les théories d’Ancien Régime : la modernisation des principes gouvernants le système judicaire.

Afin de lutter contre l’absolutisme qui régnait sous l’Ancien régime et de donner une légitimité suffisante à la souveraineté nationale, les Constituants…