Voix pusionnelle
Résumé
La pulsion invocante, dont l’objet est la voix, a été proposée par Lacan sans qu’il lui ait jamais consacrée d’importants développements. Ses continuateurs ne semblent pas s’être intéressés à ce nouvel objet dont l’élucidation est pourtant essentielle à la
compréhension d’éléments aussi bien métapsychologique (surmoi), cliniques (hallucinations, passions) que processuel (identification).L’auteur propose ici en prenant appui sur sa pratique clinique et les quelques éléments théoriques épars existant
dans les textes de S. Freud et de J.Lacan de proposer une lecture – d’une part, du rôle de la pulsion invocante dans la naissance du sujet et dans la dynamique de la cure, et – d’autre part d’esquisser les destins de la voix conduisant à la constitution du surmoi.
Pulsion invocanteet destins de la voix
Invocation
Les psychanalystes abordent peu la question de la pulsion invocante. Cela peut paraître d’autant plus étonnant que c’est essentiellement avec elle qu’ils ont à travailler dans le secret de leurs cabinets. Invocante – ou vociférante, parfois – : ainsi l’a nommée Lacan, qui se trouve être le premier à l’avoir repérée et isolée en tant que pulsion.
Invocare, enlatin, renvoie à l’appel. Le circuit de la pulsion invocante se déclinera donc entre un « être appelé », « se faire appeler » (à l’occasion de tous les noms…), « appeler ». Mais pour appeler, il faut donner de la voix, la déposer comme on dépose le regard devant un tableau [1, p.93]. Pour cela, il faut que le sujet l’ait reçue de l’Autre, qui aura répondu au cri qu’il aura interprété comme une demande,puis l’ait oubliée afin de pouvoir disposer de sa voix sans se trouver encombrer de celle de l’Autre.
Je pense que l’on peut faire, à partir de là, l’hypothèse que la dynamique de la cure, en ce qui concerne la pulsion invocante, est caractérisée par une modification de la place du sujet dans le circuit de l’invocation. En effet, au cours de la cure, le sujet qui
s’est vécu jusqu’alors soit commesoumis à l’appel inconditionnel de l’Autre, soit comme ayant manqué de cet appel, se découvre également appelant, et donc désirant. Il entre alors dans une dynamique d’invocation. Invocation qui implique simultanément la reconnaissance de l’Autre et son manque, que cette absence dans la présence soit signifiable, tout en restant irréductible est ce que Lacan propose de cerner dans l’énigmatiqueS(A barré), signifiant de l’absence dans la présence.
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Il est important, pour pouvoir comprendre la spécificité de cette position invocante adoptée par le sujet de l’inconscient, de repérer la différence essentielle existant entre la demande et l’invocation. Dans la demande, le sujet est dans une position de dépendance absolue par rapport à l’Autre, parce qu’il lui prête le pouvoir de l’exaucerou non. La demande est ici comprise comme une exigence absolue faite à l’Autre de se manifester ici et maintenant. A l’inverse le sujet invocant est soustrait à cette dépendance car il ne s’agit plus ici d’une demande adressée à un autre qui serait là, mais bien d’une invocation supposant qu’une altérité puisse advenir d’où le sujet, pure possibilité, serait appelé à devenir. Cette question del’invocation nous permet de repenser les enjeux du sujet-supposé-savoir, qui dans ce procès devient sujet-supposésavoir- qu’il-y-a-du-sujet, et qui en le supposant l’appelle à advenir. La supposition du psychanalyste se réduit alors – mais dans cette réduction se condense toute l’éthique de la psychanalyse – au fait que malgré les symptômes qui entravent le patient il y a du sujet qui est appelé àek-sister.
Cette invocation est celle que l’on rencontre chez le sujet qui se met à fredonner un air. D’où vient qu’une personne qui siffle ou chante un air seule, dans la rue, au milieu des autres ne provoque pas ce sentiment de folie qui se manifeste immanquablement face à celui qui, au milieu des autres, parle seul ? C’est que dans ce cas la dimension de la voix est mise en avant. Le sujet ne…