Unité territoriale et diversité locale
Unité territoriale et diversité locale :
I. Une exigence d’égalité et non d’uniformité
A. Le Conseil constitutionnel, gardien soucieux de l’unité territoriale
B. Une unité tempérée par les réformes
II. La réalité de la diversité locale
A. L’expérimentation, un outil pour la diversité ?
B. Influence européenne et résistance étatique
Intro :
« La France est une Républiqueindivisible », c’est sur ce grand principe que s’ouvre la Constitution du 4 octobre 1958. Cette qualité fondatrice de l’Etat français prend ses racines dans la monarchie d’Ancien Régime, puis est définitivement acquise grâce à la Révolution française de 1789. En effet, les premières traces de la nation française apparaissent avec l’expression « Royaume de France ». Cette idée de Nation s’affirmedavantage lors de la fin de la guerre de Cent Ans à partir XVème siècle. A la Révolution française de 1789, le concept de Nation française n’est pas créé, mais renforcé.
Ainsi, dès 1791, L’article premier du titre II de la Constitution de 1791 affirmait que « le Royaume est un et indivisible ». La Constitution de 1793 quant à elle proclamait que « la République est une et indivisible ». La Constitutionde l’an III (Directoire), reprendra cette affirmation. De ce principe maintes fois réitéré a découlé une organisation fortement centralisatrice de l’Etat français, initiée par les jacobins (la Convention), puis reprise par Napoléon Bonaparte. Fort de ce constat, François Mitterrand constatera qu’« il existe dans notre pays une solide permanence du bonapartisme où se rencontrent la vocation de lagrandeur nationale, tradition monarchique, et la passion de l’unité nationale, tradition jacobine. » C’est à partir de la Monarchie de Juillet et de la III° République que les institutions locales trouveront un début d’autonomie, mais sans remettre en cause le caractère unitaire de l’Etat.
Plus tard, les Constitutions de 1946 puis de 1958, reprendront également dans leurs article 1er la désormaisclassique formule : « La France est une République indivisible ».
Comme le relevait Patrick Dollat , l’indivisibilité peut impliquer d’une part l’uniformité, et d’autre part l’unité, concepts quelque peu différents. L’uniformité excluerait toute forme de particularismes locaux. Or, la Constitution de 1958 a reconnu dès sa version initiale l’existence des collectivités territoriales, à sonarticle 72 (communes, départements, départements et territoires d’Outre-mer, avec des statuts spéciaux et possibilités de sécession) ; ainsi que le principe de la libre administration. De plus, il préexistait déjà à cette Constitution des exceptions à l’uniformité juridique, telles que le statut spécifique de la Corse en matière fiscale et douanière (introduit par Bonaparte), ainsi que le droit localalsacien-mosellan dérogatoire du droit commun. L’unité se définit comme la qualité de ce qui n’est pas divisé, mais elle n’est pas exclusive d’une certaine diversité juridique ou politique. On peut donc qualifier la France d’Etat unitaire.
Cependant, après un premier mouvement de déconcentration, ces dernières années ont été le théâtre de grandes réformes décentralisatrices de l’Etat. Tout d’abordpar les lois de 1982, puis par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. L’unité territoriale de la France, qui consiste en un ensemble de territoires qui ne sont pas divisés, est donc aujourd’hui confrontée à cette dynamique décentralisatrice accordant une part plus importante aux particularismes locaux. Dès lors, concilier l’unité territoriale ancestrale de notre Etat avec lareconnaissance de nos diversités locales s’avère être un défi à relever pour l’Etat.
La forme unitaire de l’Etat française interdit-elle pour autant l’originalité locale.
Il convient de préciser en premier lieu que l’indivisibilité de l’Etat se traduit en une exigence d’unité, et non d’uniformité (I). Mais cette unité territoriale n’exclut pas pour autant l’existence de particularismes juridiques…