Théorie postcoloniale

décembre 3, 2018 Non Par admin

La France et les anciens empires croient avoir été blanchis par les indépendances. Mais les pulsions dominatrices, racistes et colonialistes sont toujours à l’œuvre dans l’Empire. Ce numéro « postcolonial » de Multitudes donne quelques exemples de postures coloniales dans la pensée et l’exercice du pouvoir et propose quelques voies pour s’en défaire. La première voie passe par la traduction desétudes post-coloniales qui, d’abord dans les deux Amériques, puis partout dans le monde, ont montré qu’on pouvait écrire de multiples points de vue minoritaires et revisiter les sciences humaines à partir de positions « subalternes ». La deuxième voie consiste à frayer avec les « colonies » que les anciens colonisés ou d’autres minorités multiplient dans les métropoles, à décrire leurs nouvellesdynamiques culturelles et politiques et à développer leurs revendications. Prendre ainsi la colonisation à revers, la déterritorialiser et la démultiplier, en métissant et en créolisant les énoncés, c’est faire multitude, au sens de Hardt et Negri et au sens commun. Ce dossier justifie largement un carton rouge à une France qui, en choisissant ses immigrés et en excluant les autres, tourne le dos àl’Europe et au reste du monde
Sans doute cette dénomination au singulier est-elle bien impropre. Car si une théorie a une juste prétention à dire l’universellement vrai sur un domaine bien circonscrit, on peut douter que ce qu’on nomme, pour faire court, la « Post-colonial Theory » soit définitivement constituée ou soit même en voie de l’être. Il faudrait pour cela qu’elle ait réussi à délimiterson objet, à le situer dans le temps, à le limiter dans l’espace et enfin à le réduire à l’unité. Il serait préférable de parler de théorisations postcoloniales. C’est d’ailleurs ce que reconnaissent même les auteurs de IPCT qui, malgré le titre de leur ouvrage, ne parlent pas de la théorie postcoloniale autrement que comme d’un lieu de « connection des phénomènes », un ensemble de « théories endialogue » (IPCT , p.21) avec les principaux domaines de la réflexion critique contemporaines. J. MacLeod refuse également de parler de théorie postcoloniale et préfère adopter le terme de « postcolonialisme » (sans tiret) comme un concept qui se décline en de multiples acceptions et renvoie essentiellement à des pratiques de lecture. Ainsi la démarche intellectuelle des POCOS consiste non pas fournir desréponses mais plutôt à formuler ou reformuler des questions indispensables au renouvellement de l’approche des textes littéraires.
Avant de répondre à la question de la nature du « postcolonial », il est plus simple de commencer par le situer dans le temps, comme y invite le préfixe « post ».Or, – c’est une première difficulté – ce terme ne doit pas s’entendre en un sens temporel. Cela supposeraitjustement ce qui est nié par la démarche du postcolonialisme, à savoir que, sans même parler des peuples encore en voie ou quête d’indépendance et malgré les réalisations effectives de la décolonisation historique, le colonial n’est pas achevé, qu’il persiste, qu’il continue à travailler les discours et les mentalités, à imprégner les textes et les représentations. Le « post », qu’il faudrait plutôtcomprendre, avec le sens du préfixe grec « méta » , -vers un au-delà (comme dans « méta-physique »)- indique que si l’idée coloniale de la légitime hégémonie européenne sur les autres civilisations a vécu, ses effets continuent de s’exercer dans le monde. C’est un paradoxe que l’on a pu récuser comme un sophisme en suspectant notamment les POCO de rester soumises aux catégories et aux découpages del’histoire européenne, en les taxant d’homogénéiser à l’excès et d’ignorer les différences importantes entre les pays décolonisés, de reproduire subrepticement les catégories coloniales ou, même pis, d’exploiter en les conformant aux demandes du marché culturel occidental les productions littéraires du Tiers-Monde. Le chapitre final de BP (pp.239-258) et le chapitre initial de IPCT (pp.15-23)…