Théorie de la connaissance chez spinoza
THEORIE DE LA CONNAISSANCE CHEZ SPINOZA
La philosophie spéculative de Spinoza tente d’être déductive, donc nécessaire. Elle est écrite more geometrico c’est-à-dire en suivant l’ordre « géométrique » : axiomes et postulats, puis définitions, et enfin démonstrations. Elle est développée selon des enchaînements logiques rigoureusement déduits à partir de définitions, sur le modèledes mathématiques. Or, ce choix n’est pas arbitraire : il est le résultat d’une véritable réflexion sur l’essence de la connaissance, lié avec la nécessité. Il faut donc commencer par exposer l’idée de la connaissance en général dans sa philosophie, idée dont nous trouvons des éléments avant tout dans le Tractatus de intellectus amendatione ( souvent traduit par Traité de la réforme de l’entendement ; retraduitpar Bernard Pautrat sous le titre plus littéral de Traité de l’amendement de l’intellect).
À trois reprises dans son œuvre, Spinoza élabore une typologie des modes de connaissance :
– dans le Traité de la réforme de l’entendement, §10-16 ;
– dans le Court Traité, livre II, chapitre 1 ;
– dans l’Éthique, partie II, proposition 40, scolie 2.
Les trois présentations sont différentes : elles necontiennent pas toujours les mêmes modes de connaissance, et pas toujours dans le même ordre. Mais derrière ces différences, il se présente certaines constantes.
Dans le Traité de la réforme de l’entendement, Spinoza distingue plusieurs espèces de perception :
« À y regarder de près, tous nos modes de perception peuvent se ramener à quatre approches complémentaires :
I. Il y a une connaissancepar ouï-dire, c’est-à-dire : librement identifiée et qualifiée par chacun.
II. Il y a une perception dite « empirique », par laquelle, éprouvant une sensation ou un sentiment communément partagés par d’autres individus, nous le fixons comme « acquis ». Cette perception n’est pas élaborée par notre entendement, mais elle est validée dans la mesure où aucun fait contradictoire ne lui paraîtopposable.
III. Il y a une perception dite « déductive », qui consiste à conclure qu’un fait observé s’est produit de manière cohérente et rationnelle. Le raisonnement nous mène à clarifier un principe, mais pas l’origine de ce dernier.
IV. Enfin il y a une perception dite « essentielle » ou « élémentaire », en vertu de laquelle nous saisissons l’essence même de la chose perçue. Percevoir cettechose revient donc, ici, à en percevoir l’essence ou principe premier.»
En comparant certaines formes de perceptions, on peut se faire une idée plus précise de ce qu’est le quatrième mode de perception.
La perception par ouï-dire (I) est la forme la plus incertaine de perception : par exemple, nous considérons quotidiennement que nous connaissons notre date de naissance, même si nous n’étions pas làpour vérifier.
La simple expérience (II), telle qu’elle se présente à nous, se présente d’une manière hasardeuse et involontaire. Cette expérience ne nous donne pas de connaissance vraie : elle nous donne des éléments particuliers dans le temps et l’espace, éléments qui s’impriment dans la conscience et s’y maintiennent uniquement lorsqu’ils n’ont pas été contredits par d’autres expériences.Sinon, nous sommes dans le doute. Ces expériences ne peuvent nous offrir aucune certitude. Elle est nommée par Spinoza experientia vaga. C’est une simple énumération de cas, énumération qui n’a rien de rationnel, car elle n’est ni un principe (IV), ni déductible d’un principe (III); elle ne peut par conséquent être tenue sérieusement pour vraie.
Ces deux premiers modes de perception ont en commund’être irrationnels, quoique utiles pour la conduite des affaires quotidiennes de la vie. La marque de leur irrationalité est l’incertitude où ils nous plongent, si on les suit. Il faut donc, autant que possible, qu’ils ne jouent pas un rôle déterminant dans la construction de la connaissance. C’est pourquoi aussi, l’Éthique regroupera ces deux premiers modes de perception en un seul « genre de…