Syrie et islamisme

novembre 22, 2018 Non Par admin

La Syrie : un pays mûr pour l’islamisme
Mohamed Fadhel TROUDI*

La Syrie plonge ses racines dans un passé riche et ancien et s’étendait jadis de la Méditerranée au Golfe Persique, de la frontière turque à la mer Rouge. La Syrie moderne issue du mandat, puis de l’indépendance en 1945 est plus ramassée mais dans la conscience collective du peuple et de ses dirigeants, la Grande Syrie historique,en tant qu’idée géohistorique, reste vivace. Carrefour de civilisation, la Syrie a subi les influences culturelles des Grecs, des Romains puis celle de l’Islam avec les califes ommeyades. La diversité de ces rapports se traduit dans le domaine religieux puisque 10% de la population est chrétienne et 90% musulmane avec des minorités chiite, druze, ismaélienne et surtout alaouite au pouvoir.D’une superficie de 185 180 km2, le territoire est divisé en quatorze gouvernorats ou « mohafazats » qui portent le nom de leur chef-lieu, soit le tiers de celle de la France, la Syrie est peuplé de 15 millions d’habitants, le pays n’existe sous son nom actuel que depuis quelques années. Il se nommait chez les habitants de la région le « Bilad al-Cham ». Cette région regroupait anciennement la Syrieactuelle, le Liban, la Jordanie et la Palestine (actuels territoires palestiniens et israéliens). République socialiste, la Syrie est régie par la constitution de 1973, qui assure la continuité avec le socialisme hérité du coup d’État baasiste de 1963, mais plus encore elle garantit la prééminence du chef de l’État issu de la minorité alaouite. Elle fait droit à certaines revendications des milieuxLa Syrie : un pays mûr pour l’islamisme 119

Géostratégiques n° 13 – Juillet 2006

islamiques, en imposant un chef de l’État musulman et en disposant que « la doctrine islamique est la source principale de la législation ».

La Syrie alaouite, l’autre régime baasiste arabe
Le régime du Baas syrien (littéralement: Parti Socialiste du Renouveau Arabe) est fondé sur une base communautaireextrêmement limitée, celle des Alaouites (dite aussi Nusayrî, secte de l’islam chiite fondée au IXe siècle par Ibn Nosaïr, chiites hétérodoxes, vigoureusement combattus par les Sunnites qui les considéraient comme des hérétiques de l’Islam) qui représentent entre 10 et 13% de la population syrienne. C’est véritablement l’armée française qui va donner à cette communauté longtemps méprisée par lesSunnites, une nouvelle conscience d’elle même. En effet, la France alors force occupante, crée un Etat alaouite autonome et ouvre largement les portes de l’armée française du Levant à ses ressortissants comme à ceux des autres minorités: Arméniens, Chrétiens arabes…et notamment à la minorité alaouite. Avec le coup d’État de 1963, le Comité militaire du Baas majoritairement alaouite, met à l’écartde nombreux officiers sunnites. L’arrivée au pouvoir du général Jedid en 1966 et surtout du général Hafez Al Assad en 1970 est comme le point d’orgue de la revanche d’une communauté longtemps exclue et opprimée. Le discours panarabe peut dès lors être perçu comme une idéologie visant à légitimer cette domination d’une communauté privilégiée et ultra minoritaire sur une population diverse (sunniteet arabe à 90% et contenant d’importantes communautés chrétiennes orientales, arménienne et kurde). Le pouvoir est donc fondé sur deux piliers essentiels : l’idéologie socialiste baasiste et sur les liens intrinsèques entre les membres de la communauté musulmane alaouite minoritaire. D’ailleurs à la différence du frère ennemi, le Baas irakien, marqué jusqu’au bout par un panarabisme doctrinaire,Hafez al Assad n’a jamais eu d’attachement particulier à l’idéologie : son coup d’État de 1970 qui l’a porté au pouvoir se justifiant même contre la dérive radicale du pouvoir baasiste, même s’il partage avec l’ex président irakien, un goût prononcé pour la
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