Smoothie

août 18, 2018 Non Par admin

Le smoothie, une boisson qui donne du jus au secteur
Par LAURE NOUALHAT / Libération
Ça a beau être un produit doux, onctueux et suave, la guerre que vont se livrer les producteurs de smoothies promet d’être âpre. Car cette boisson à base de fruits cartonne dans les rayonnages des épiceries, supermarchés et grandes surfaces. Si bien que l’on frise la saturation. Le smoothie est un cauchemarpour académicien : il investit les rayonnages avant même d’avoir été traduit. De l’anglais smooth signifiant lisse, onctueux, un smoothie est une boisson à base de fruits entiers ou surgelés, solides ou en purée, préparée à la centrifugeuse ou au mixeur.
Bulldozer. En six mois, le marché français a plus que quintuplé selon le panel distributeur Iri, passant de 167 000 litres vendus en janvier à 920000 litres écoulés en août, saisonnalité oblige. Les ventes échelonnées sur une année ont simplement doublé, passant de 4 millions de litres vendus entre août 2006 et 2007 à 8,2 millions de litres durant la période suivante. En dépit de cette épatante progression, le smoothie ne représente qu’une goutte de pulpe (0,5 %) dans un océan de jus de fruit (1,5 milliard de litres bus par an).
L’arrivéedu géant Tropicana (PepsiCo) en avril a modifié le paysage de ce marché jusqu’à présent investi par des trentenaires décontractés du capitalisme frais – Immedia, Innocent, Michel & Augustin. En août, le bulldozer Tropicana a raflé 55 % des ventes ! Dans la foulée, les distributeurs ont sorti leurs produits (Casino, Carrefour.) reléguant le précurseur Innocent et le sympathique Immedia à de plusmodestes progressions. Ainsi, nous sommes submergés de jus onctueux : Andros, Leader Price, Casino délices, Smoovie, Michel & Augustin. Et Unijus, le syndicat des jus de fruits, a bien l’intention de faire un peu le ménage dans cette turbulente famille de la pulpe à boire.
Guerre commerciale oblige, ça rue un peu dans les centrifugeuses. Sur les packs, les formules font mouche, promettant «zéro Emachin chose», ni OGM, et faisant passer les jus ordinaires pour d’obscures boissons toxiques. Chacun son créneau : Innocent se distingue avec un produit écolo-friendly (lire ci-contre), l’outsider Immedia se veut super cool, Michel & Augustin joue la carte du monofruit et les distributeurs celle du prix défiant toute concurrence. Car le fruit à boire reste un produit cher. Le panel Nielsen évaluele prix moyen du litre à 5,20 euros même si l’arrivée des packs hard discount induit une baisse. Le smoothie de Leader Price se vend 1,99 euro les 75 cl, celui d’Innocent 3,99 euros.
Farandole. Petit hic, le mélange de saveurs n’a aucune définition légale, ce qui énerve passablement la profession. Car qui dit zéro définition, dit farandole de recettes. Certains revendiquent un 100 % fruits sansconservateur, sucre, eau ou lait, mais d’autres jouent sur le flou juridique et adoucissent leur purée avec des produits lactés. Pour le secrétaire général d’Unijus, Jacques Antoine, on ne rigole pas avec la définition. «Le smoothie n’est pas une dénomination légale, mais une appellation fantaisie qui correspond à une texture et non pas à un contenu.» Selon la législation, si l’on ajoute du lait,du miel ou autres ingrédients à un jus, il entre dans la catégorie des boissons.
Smoothie signifie aussi beau parleur, la preuve avec les noms des recettes toutes inspirées des saveurs les plus sexy : mangue, passion, framboise. Or, les fruits affichés sont souvent minoritaires dans la composition finale du produit. Voilà pourquoi sur les packs, les marques préfèrent comptabiliser le nombre defraises ou de bananes que leur pourcentage final. Michel & Augustin – les rois des petits sablés – jouent la carte honnêteté en vendant des purées monofruits, comme cette gourde de 160 grammes contenant 13 fraises mixées «point final». La guerre est ouverte et ça va gicler dans les rayons.

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