Roméo et juliette la snène du balcon

novembre 26, 2018 Non Par admin

Etude de la scène du balcon (acte II, scène 1).
A elle seule, cette scène a généré la célébrité de la pièce et assuré la permanence du mythe. Remarquable par sa longueur, par la place qu’elle occupe elle est à l’origine fondée sur un stéréotype que ne manque pas de railler Mercutio : la sérénade sous le balcon. Elle est aussi innervée par la rhétorique pétrarquistes. Comment, à partir des codescourtois et renaissants, S crée-t-il un nouvel archétype ?
I – Les éléments fondateurs de l’harmonie.
A – Un lieu mythique ; le jardin.
Le jardin symbolise un espace de médiation entre le naturel et le civilisé, entre la ville et la maison. Ceint de hauts murs, le verger s’apparente aux constructions utopiques, difficilement accessibles. Lieu d’amour et de pureté, il peut faire songer aujardin d’Eden. Il ressuscite dans l’imaginaire le jardin allégorique du Roman de la rose, roman courtois apprécié par Pétrarque. J perçoit dans ce jardin l’éventualité d’un piège : domaine des Capulet, il pourrait être inféodé à la haine.
B – Une temporalité révélatrice : la nuit.
Comme la nature, la nuit dispense une atmosphère de paix. Epanchement du songe, elle est propice à la rêverie intérieure,comme lorsque paraissent les créatures nervaliennes, aux lisières de l’irréel. L’obscurité permet une osmose entre la vision et le fantasme. Elle est aussi pour les amants l’opportunité d’engager une confidence. Roméo se drape dans « le manteau de la nuit », J parle sous « le masque de la nuit ». C’est parce qu’elle dérobe au regard que la nuit révèle au coeur. Elle joue le rôle d’intercesseur :initiatrice, elle conduit vers le dévoilement.
II – La tension vers l’absolu.
A – Le dispositif scénique, fondateur du sens.
Sur la scène élisabéthaine, la chambre de J devrait être dans les appartements supérieurs. Le dramaturge joue sur deux tensions : le haut et le bas, puis l’intérieur et l’extérieur. Ce processus agrandit la scène mentalement, mais il surtout rend visible la spécificité de larelation amoureuse qui réside dans la distance. Comme le soir du bal, R aperçoit J de loin et son plus grand désir serait de la toucher, mais il a conscience de son indignité. Au cours de la cristallisation; l’objet de désir doit rester intangible. Fidèle à la tradition courtoise, qui souvent exigeait une cour longue et codifiée, R l’appelle  » ma dame », la dotant de vertus comme une déesse. A ladistance, S ajoute la hauteur. R découvre J en contre-plongée, alors qu’après la nuit d’amour, envahie par un pressentiment de mort, celle-ci le saisira en plongée. C’est la distance qui maintient la fascination.
B – L’infinie résurgence de l’obstacle.
Le premier obstacle est sans conteste le nom :  » […] Abdique ton nom » supplie l’héroïne. Même s’il est difficile de renoncer à ce qui fondel’identité, R sacrifie son nom originel ; J, de son côté, est capable d’associer à la famille ennemie une épithète méliorative : « beau Montaigu ». Ils peuvent surseoir à la haine. Le second obstacle est la présence de l’autre. Désirée, elle est aussi redoutée. Le début de la scène est marqué par l’indécision des destinataires :  » Ce n’est pas à moi qu’elle parle ». Le discours est aussi monologueintérieur : il y a à la fois plaisir à dire et danger à dire. La scène suit un crescendo, le don de soi submergeant l’amour de soi. J craint d’avoir donné une image négative d’elle-même. Le dernier obstacle a trait à la possession : R rêverait d’être « un gant enfermant cette main » ; J, après avoir évoqué l’enfant tenant l’oiseau captif, a cette formule quasi racinienne : « […] Je te tuerais à force dete chérir ». La violence mortifère de la passion reviendra lorqu’elle priera la nuit, comme dans les mythes d’Osiris ou d’Orphée, de découper R en « petites étoiles (III,2). Aragon parlera de la mise à mort au sein du couple. L’obstacle perdure, nécessaire.
III – Du rayonnement à l’élévation spirituelle.
A – L’expression de l’amour en termes cosmiques.
Afin d’exprimer leur passion, les amants…