Rimbaud
Arthur Rimbaud (1854-1891)
À côté de Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé et Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud -„l’enfant terrible de la littérature”, est l’un des grands précurseurs du symbolisme français. Poète extrêmement précoce, il a écrit toute son œuvre jusqu’à vingt ans. Seulement les recueils Les Illuminations et Une Saison en Enfer ont été publiés de son vivant, d’autres poèmesétant publiés après sa mort dans un volume intitulé Poésies.
Dans une première étape, l’orientation poétique de Rimbaud a été celle du Parnasse, suite à l’influence de son professeur de rhétorique. Grâce à Georges Izambard, Rimbaud découvre les célébrités parnassiennes et devient admirateur des poètes parnassiens et romantiques. Très vite, il change son orientation poétique, contestetotalement l’expérience lyrique de ses précourseurs, des romantiques surtout, et renouvelle entièrement l’acte de la création poétique.
C’est dans la Lettre du Voyant que Rimbaud affirme son rejet de la „poésie subjective” et exprime sa nouvelle conception de la poésie et du moi créateur. Le premier problème qu’il s’y pose est celui du moi poétique qui, tandis que pour les romantiques s’identifiesouvent au moi personnel et biographique du poète, pour Rimbaud est un autre: „…JE est un autre… Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.”. À la différence des romantiques, il croit que la partie de l’esprit qui réalise la création, „le moi créateur” n’a rien à faire avec l’expérience quotidienne et qu’il s’agit d’un autre moi, profond, impersonnel. D’autre part, le poète doit être ou„se faire voyant” par „un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens”. Ce „dérèglement” torture la chaire et les forces de l’artiste et pour parvenir à la poésie, le poète doit avoir confiance dans ses forces et dans sa foi.
L’affirmation „…JE est un autre…” peut aussi être comprise tout en l’approchant d’une autre de la même Lettre, car le poète voyant „arrive àl’inconnu!”. Cet „autre” n’est donc que l’inconnu, ou, autrement dit, l’inconnu est un autre de nous-mêmes, du moi poétique et pour parvenir à la poésie, il faut descendre dans les profondeurs du sous-conscient. La force poétique est déclanchée par une auto-mutilation, par la torture du moi habituel. C’est ainsi que „le voyant” devient „le grand malade, le grand criminel, le grand maudit” et „le SuprêmeSavant!”, „car il arrive à l’inconnu”. Le processus par lequel il arrive à l’inconnu c’est le langage. L’important pour le poète est de „trouver une langue”, du reste „toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra!”, car cette langue résumera tout „parfums, couleurs, sons” de la pensée.
„…JE est un autre…” est la proposition qui définit la structure de la poésierimbaldienne. Mais dans cette proposition il n’y a pas seulement une signification; elle reçoit des acceptions différentes en fonction du niveau sémantique auquel elle s’inscrit.
Les premières poésies de Rimbaud ne sont pas autre chose que l’expression d’une recherche de l’extase charnel. Les Poésies sont visiblement travaillées par les „rousseurs amères de l’amour”; leur intérêt premier tientjustement à ce que l’amour s’y enveloppe d’amertume, s’y colore de réprobation. Tout s’y passe comme si l’érotisme y subissait une condamnation, y entraînait le dégoût. Cette „mauvaise foi” se manifeste dans le goût de la fabulation de Rimbaud, spécialement dans l’hyperbolisation des êtres, des objets, tout en leur conférant une auréole de légende, le plus souvent grotesque, monstrueuse.
UneSaison en Enfer est peut-être comme Paul Verlaine l’a pretendu une „prodigieuse autobiographie spirituelle” de Rimbaud. L’écriture chaotique est sans cesse traversée par une multiplicité de voix intérieures. Le locuteur y crie sa souffrance, son expérience intime. Le poète a compris qu’il ne pouvait pas voler „le feu” pour lui seul – il faut mentionner que chez Rimbaud, le poète est un voleur…