Regain

janvier 13, 2019 Non Par admin

À l’autre bout du défilé, le ciel entre comme un coin de fer dans la colline. On commence à mieux y voir. Le Gaudissart file à toute allure comme dans unerigole de schiste bien polie. Il est là-dedans tout allongé, tout étiré, mâchuré par de grandes raies luisantes qui partent de l’ombre comme des flècheset, là-bas, dans le jour se courbent. Il semble qu’on a étiré le ruisseau, il semble qu’il y en a un, là-haut sur le plateau qui tire sur la queue duruisseau et un autre, en bas dans les plaines qui tire sur la tête comme quand on veut écorcher une couleuvre. Et puis, en approchant toujours dans la directiondu jour, ça devient comme de la soie, et c’est tout mol et tout en luisance, et ça se gonfle d’air et de vent, et enfin, ça reste plié sur la pente de lacolline comme un foulard qu’on a mis à sécher au versant d’un talus.
C’est que le Gaudissart, tout mangeur de terre qu’il est, n’a pas assez manger deplateau, qu’il débouche sur l’autre bord, à quarante mètres de haut, et que, il saute en trois sauts, par trois escaliers arrondis, entre des coussins demousse. Un petit, saut d’enfant d’abord, puis, d’un élan, il dépasse la roche et s’envoie dans une épaisseur de six mètres d’air. Il se reçoit sur le ressortde ses reins, il roule sur une pente de vingt mètres et alors, d’un beau vol, bandé comme un arc, il descend dans le plan Soubeyran au milieu d’une cuve quiroule du tambour.
En bas, le sentier contourne la cuve, passe au-dessus du ruisseau sur trois pierres plates et s’éloigne en écrasant les près sauvages.