Primitifs italiens
1.1. Introduction
Précurseurs de la Renaissance, les peintre Italiens des XIIIè et XIVè siècles, ceux que la critique surnomme généralement les «Primitifs» créent, à partir du modèle traditionnel régnant en Italie depuis des siècles (la «Manière grecque» inspirée de Byzance), un nouvel art de peindre basé sur l’humanisation de la figure, l’introduction du paysage dans le cadre pictural et lespremières tentatives de création de peinture architecturale. Ils insufflent ainsi une nouvelle impulsion artistique qui va changer les arts plastiques en Italie, puis plus tard en Europe occidentale. De la Toscane à l’Ombrie, leur créativité se traduit par une production intense d’œuvres sur panneaux de bois ou de fresques à sujets religieux, multipliant les chefs-d’œuvre et produisant quelquesgénies exceptionnels qui ont nom Cimabue, Duccio ; Giotto, Lorenzetti…
Cette révolution picturale ne s’est pas faite du jour au lendemain, ni ex-nihilo. S’il y a, objectivement, à partir de 1280-1300, une évolution observable dans les peintures produites, il est parfois difficile d’en déterminer avec certitude les moments et les causes. Il y a quelquefois des ruptures marquantes, mais on observele plus souvent une continuité dans l’évolution, ponctuée par de lentes transformations qui se superposent en strates successives sur le fonds commun de la «manière grecque» qui se perpétuera en Italie jusqu’au début du XVè siècle. L’une des difficultés de méthode en histoire de l’art réside dans la compréhension des faits tissés et entrelacés, qui concourent à produire des innovations dont lesracines remontent parfois loin dans l’histoire des arts et surtout dans l’histoire des idées et des mentalités. C’est en effet non seulement une révolution picturale, mais aussi culturelle, politique et évidemment théologique qui préside à ces changements profonds.
Autour de la fin du XIIIe, et au début du XIVe, le tournant est pris: si la peinture s’est peu modifiée dans ses sujets, c’est dansla manière de les exposer qu’elle a franchi le pas. Si les thèmes relèvent de l’iconographie chrétienne dans la presque totalité des cas, les formes sont désormais toutes nouvelles. Les conséquences en sont nombreuses.
Il y en a principalement trois:
l’humanisation de la figuration de Dieu et des personnages représentés,
l’apparition des paysages terrestres et la relation avec laréalité du monde perçu,
la réalisation picturale d’architectures complexes pour localiser les scènes évoquées.
1.2. Les principes novateurs1.2.1. L’humanisation des personnagesCe qui frappe immédiatement à comparer des œuvres byzantines, hiératiques, pleines de lointaine majesté, reflétant une théologie de l’absolue transcendance de Dieu, avec les premières peintures des «Primitifs», c’est«l’humanisation» des représentations du Christ, de la Vierge et des saints qui se réalise autour de 1300…
La peinture passe à ce moment là d’une figuration essentiellement évocatrice et affirmative de la présence de Dieu, à la représentation d’une humanisation progressive des images du sacré: mais humaniser la figure de Dieu, du Christ, de la Vierge, c’est faire entrer le monde terrestre dans unepeinture qui se veut jusque là expression de la transcendance, c’est engager un autre registre de représentation, c’est faire une autre peinture. Représenter le monde terrestre, c’est figurer la réalité du monde perçu: l’espace, les paysages, les architectures des maisons et des villes, les activités des campagnes. Montrer que Dieu est parmi les hommes, c’est aussi peindre les hommes et leurquotidien. Ainsi surgit le quotidien dans l’image peinte: les hommes affairés, les champs, les animaux, les objets, les maisons…
1.2.1.1. Une nouvelle donne théologiqueMais cette révolution picturale est d’abord une révolution spirituelle. Jusqu’au XIIIè, l’Eglise est une structure élitiste et cléricale: les moines vivent en grande partie isolés dans des monastères, havres de culture et de…