Populations et sociétés
Numéro 424
D É M O G R A P H I Q U E S
Juin 2006
D ’ É T U D E S
N A T I O N A L
Légaliser les unions homosexuelles en Europe : innovations et paradoxes
Patrick Festy*
Une douzaine de pays européens ont institué un partenariat, voire un mariage, entre personnes de même sexe. Comment le pacs à la française (1) se situe-t-il dans cet ensemble? Comparé à ses équivalents dans d’autrespays, il accorde peu de droits nouveaux aux couples homosexuels et leur refuse les droits parentaux. Mais Patrick Festy souligne un paradoxe: dans les pays nordiques, très ouverts sur la question, l’enregistrement des unions homosexuelles est moins fréquent que dans des pays comme la France ou la Belgique.
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mesure que progresse la lutte contre lesdiscriminations liées à l’orientation sexuelle, les formes familiales ne cessent de se diversifier en Europe. Le mariage hétérosexuel n’a plus le monopole de l’encadrement juridique des couples. Depuis que le Danemark a ouvert la voie en 1989, l’Europe compte douze États qui légalisent des unions par une procédure distincte du mariage. Dans les pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège,Suède), ainsi qu’en Allemagne et au Royaume-Uni, la procédure est réservée aux unions homosexuelles. La France et le Luxembourg, de leur côté, ont créé un partenariat accessible à tous les couples non mariés, qu’ils soient de sexe différent ou de même sexe. Les Pays-Bas et la Belgique ont fait de même, mais en ouvrant également aux homosexuels la possibilité du mariage. Enfin, l’Espagne vientd’autoriser directement le mariage des homosexuels, sans passer par une formule de partenariat spécial. Mais la réforme espagnole, de même que les partenariats britannique et luxembourgeois, sont trop récents pour faire l’objet d’un suivi statistique. Restent neuf pays pour lesquels une comparaison des diverses formes d’union est d’ores et déjà possible, aussi bien sous l’angle juridique qu’en termesstatistiques [1, 2].
* Institut national d’études démographiques. Cette recherche a bénéficié d’un financement de la Mission de recherche Droit et Justice. (1) Pacte civil de solidarité.
Pacs français et partenariat allemand : moins de droits que le système nordique
Le statut de couple peut avoir de multiples incidences juridiques, comme par exemple le droit d’adopter conjointement un enfant,l’extension de la protection sociale d’un conjoint à l’autre ou l’obtention d’un permis de séjour au titre du regroupement familial. D’un pays à l’autre, les couples homosexuels légalisés bénéficient-ils des mêmes avantages que les couples hétérosexuels mariés ? Ou bien leur situation reste-t-elle proche de celle des cohabitants non mariés ? Pour répondre à ces questions, un chercheur néerlandais,Kees Waaldjik, a proposé de calculer un indice portant sur 33 conséquences juridiques attachées au statut de couple : 7 dans le domaine des droits parentaux (comme le droit à adopter conjointement un enfant), 17 de type matériel ou financier (comme la protection sociale étendue au partenaire) et 9 de type non financier (comme le droit au regroupement familial) [3]. En prenant comme référence lesdroits et avantages accordés aux couples hétérosexuels mariés, on peut mesurer dans quelle proportion les autres catégories de couples s’en rapprochent ou s’en éloignent. La comparaison peut porter sur l’ensemble des droits (figure a) ou sur les seuls droits parentaux (figure b). La France et l’Allemagne se détachent des autres pays quand on considère les droits et avantages conférés par lepartenariat légal des homosexuels (le pacs, d’un côté,
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Éditorial – Légaliser les unions homosexuelles en Europe : innovations et paradoxes • Pacs français et partenariat allemand : moins de droits que le système nordique – p. 1 • Une diversité de pratiques qui ne reflète pas la diversité des législations – p. 2 • Les gays rattrapés par les…