Pont mirabeau
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André Durand présente
‘’Le pont Mirabeau’’
(1913)
poème de Guillaume APOLLINAIRE
figurant dans le recueil ‘’Alcools’’
On trouve ici :
le texte
son analyse
Bonne lecture !
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne lanuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie estlente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jous et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Analyse
Apollinaire et MarieLaurencin franchissaient souvent la Seine en passant par le pont Mirabeau, un chef-d’oeuvre de technique et d’élégance architecturale qui avait été construit entre 1893 et 1896 pour relier directement les quartiers d’Auteuil et de Passy, rive droite, avec ceux de Javel et de Grenelle, rive gauche, dont la construction avait causé un scandale, certains voulant sa destruction. Mais il a résisté, cequi n’est pas indifférent dans le cadre du poème.
Il était devenu emblématique de leur amour. Leur couple rompu, le pont inspira au poète une méditation lyrique sur la fuite du temps et de l’amour, méditation dans laquelle il balança entre la résignation douloureuse au changement inévitable et un espoir violent de permanence. Dans une lettre à Madeleine Pagès (1915), il dit du poème, qu’il estcomme «la chanson triste de cette longue liaison brisée».
Toutefois, Apollinaire, qui était féru de littérature médiévale, aurait pu s’inspirer d’une chanson de toile du début du XIIIe siècle : “Gayette et Oriour,” publiée dans la “Chrestomathie du Moyen Âge” de Gaston Paris et Ernest Langlois qu’il connaissait certainement. Les deux textes ont le même dessin rythmique, la même position des rimes,le même mouvement de refrain :
«Vente l’ore et li rain crollent
Qui s’entraiment soef dorment».
Apollinaire composa d’abord un poème où chaque strophe comprenait trois vers de décasyllabes aux rimes féminines. Puis il supprima la ponctuation, transforma les tercets en quatrains en conservant deux décasyllabes qui encadrent deux vers de quatre et six pieds. Ainsi furent créées desstrophes dites élégiaques où les vers courts, porteurs de sentiments profonds, sont plus intenses.
‘’Le pont Mirabeau’’ est formé de quatre strophes où s’intercale un refrain. Chaque strophe est composée de trois décasyllabes, le deuxième vers (de quatre syllabes) et le troisième (de six syllabes) constituant ensemble un décasyllabe. Le refrain est un distique de vers de sept syllabes, versimpairs dont Verlaine avait montré la musicalité. Toutes les rimes sont féminines sauf celles des premiers segments des décasyllabes rompus (deuxièmes vers des strophes). La ponctuation est absente : elle fut, comme pour tous les poèmes du recueil ‘’Alcools’’ où il figura en 1913, supprimée au dernier moment. De ce fait, le poème, plus difficile qu’il n’y paraît, ne manque pas d’ambiguïté et peut êtrel’objet de contresens.
La première strophe
On peut imaginer qu’un jour, passant la Seine sur le pont Mirabeau, le poète s’accouda au parapet et s’absorba dans la contemplation d’une eau paresseuse. Le lieu étant évocateur de l’amour qui l’avait uni à Marie Laurencin, il lui parle : «Je me rappelle nos amours. Pourquoi faut-il que je me souvienne de cette heureuse époque? J’y connaissais…