Platon et la ville
Mais Platon va plus loin. Il prétend que la génération charnelle n’est que le premier degré de l’amour, et qu’une âme bien née doit s’élever de l’amour des corps à l’amour des âmes, puis à l’amourdes sciences, pour aboutir à l’amour de la beauté absolue, théorie fameuse, puis égale en célébrité celle du Phèdre, mais plus brillante que solide. Elle repose en effet sur la confusion des choses d’unordre tout à fait différent. L’amour proprement dit, la vertu et la science n’ont pas le même but et ne relèvent pas des mêmes facultés. L’amour est un instinct physique qui vise à la perpétuité del’espèce ; la vertu relève de la conscience et recherche la perfection individuelle ; enfin la science naît de la curiosité et a pour objet la connaissance. Le fossé qui sépare ces trois choses nousparaît infranchissable. Il n’existait pas pour Platon qui soutient partout que le beau, le bien et le vrai sont inséparables, que tout est bon est beau, et que connaître le bien, c’est le faire. Dèslors l’enthousiasme qu’il ressent pour la beauté lui semble du même ordre que celui que lui inspirent la vertu et la science.
Platon commet une autre confusion quand il prend pour de l’amour ce quin’en est qu’une déviation maladive. A ses yeux l’amour de la femme est un amour inférieur ; seul, l’amour de l’homme pour l’homme est digne de séduire une âme généreuse, née pour la philosophie. Il estvrai que cet amour doit avoir pour but l’enfantement de la science et de la vertu dans l’âme du bien-aimé. Le manteau de la philosophie sert à couvrir ici de singuliers égarements, et l’on aurait biende la peine à prendre Platon au sérieux si l’on ne savait combien il est difficile aux meilleurs esprits d’échapper aux erreurs de leur temps *.
(*Il faut noter pourtant que dans le Banquet deXénophon, Socrate s’élève résolument contre la pédérastie. Il est vraisemblable que Platon, si tendre avec la beauté masculine, prête ici encore ses propres idées à son maître.)
On trouve encore…