Philosophie

octobre 2, 2018 Non Par admin

« Combien il serait louable chez un prince de tenir sa parole et de vivre avec droiture et non avec ruse, chacun le comprend : toutefois, on voit parexpérience, de nos jours, que tels princes ont fait de grandes choses qui de leur parole ont tenu peu compte, et qui ont su par ruse manoeuvrer la cervelledes gens ; et à la fin ils ont dominé ceux qui se sont fondés sur la loyauté. Vous devez donc savoir qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec leslois, l’autre avec la force ; la première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent, ne suffit pas, ilconvient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir bien user de la bête et de l’homme. (…) Puisque donc un prince est obligéde savoir bien user de la bête, il en doit choisir le renard et le lion ; car le lion ne se défend pas des rêts, le renard ne se défend pas des loups.Ceux qui s’en tiennent simplement au lion n’y entendent rien. Un souverain prudent, par conséquent, ne peut ni ne doit observer sa foi quand une telleobservance tournerait contre lui et que sont éteintes les raisons qui le firent promettre. (…) Et jamais un prince n’a manqué de motifs légitimes pourcolorer son manque de foi. De cela l’on pourrait donner une infinité d’exemples modernes, et montrer combien de paix, combien de promesses ont été renduescaduques et vaines par l’infidélité des princes : et celui qui a su mieux user du renard est arrivé à meilleure fin.»

Le Prince (1513), ch. XVIII,