Petit manuel de stratégie de sortie de crise : comment rebondir pour éviter l’enlisement ?
Petit manuel de stratégie de sortie de crise : comment rebondir pour éviter l’enlisement ?
Christophe Blot, Jérôme Creel, Christine Rifflart et Danielle Schweisguth OFCE
Version très provisoire
Les caractéristiques de la crise que connaît l’économie mondiale depuis 2007 ont été largement commentées et explicitées. Intensification de la concurrence bancaire, relâchement des standards decrédit sur le marché immobilier– hausse de la valeur de l’emprunt par rapport à la valeur du bien immobilier acheté, octroi de crédits sans vérification des revenus, etc. -, intensification de la titrisation, avec dilution des risques entre un nombre toujours plus important d’intermédiaires, taux d’intérêt bas, réglementation et normes comptables à caractère pro-cyclique, anticipationsdéraisonnables de hausse sans fin des prix immobiliers ayant abouti à la création d’une bulle immobilière, puis boursière, déséquilibres persistants entre des zones géographiques en excédent structurel d’épargne et d’autres en excédent structurel d’investissement, sont les causes généralement avancées pour décrire les enchaînements ayant conduit à la crise actuelle1. Une littérature abondante a été largementconsacrée aux crises du passé et aux liens qu’on peut établir avec la crise actuelle : les travaux ainsi réalisés peuvent éclairer un type de crise en particulier (e.g. Hoggarth, Reidhill et Sinclair, 2004, sur les crises bancaires), un élément particulier d’une crise (e.g. Wheelock, 2008, sur les initiatives fédérales pour réduire la crise hypothécaire aux Etats-Unis pendant la Dépression), ou lesdéterminants des crises survenues dans le monde depuis le 14ème siècle (e.g. Reinhart et Rogoff, 2008b).
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Afin d’avoir toutes ces causes rassemblées dans un nombre restreint de contributions, on pourra se tourner vers Gorton (2008) et Reinhart et Rogoff (2008). Le premier est plus centré sur les déterminants financiers de la crise, le second sur ses déterminants macroéconomiques. Uneprésentation formalisée de la crise est proposée par Caballero, Fahri et Gourinchas (2008).
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Il se trouve que la crise actuelle a été abondamment rapprochée de deux crises historiques particulières : la Grande Dépression des années 1930, particulièrement évoquée dans les media2, et la crise japonaise des années 1990 (e.g. Hoshi et Kashyap, 2008). La référence à la première témoigne de la craintede voir les économies des pays industrialisés s’enfoncer dans une récession longue et profonde accompagnée d’une déflation. Le risque de déflation est aussi l’élément qui rapproche la crise actuelle de la crise japonaise, celle-ci n’ayant pas mené à une profonde récession mais à une période tout aussi dramatique de plus de dix années de ralentissement économique. L’intérêt spécifique de la crisejaponaise réside
fondamentalement dans la nature de la crise : crise boursière, immobilière et bancaire, mal gérée par les autorités publiques, elle a fini par produire une crise réelle. Avec ce type de crise, se sont aussi posées des questions cruciales sur la valeur de marché des créances douteuses, sur la nécessité de mettre en place des structures de défaisance des actifs toxiques desbanques et sur la nécessité du recours à la nationalisation de certains acteurs bancaires. Outre ces deux crises majeures, nous évoquerons aussi la crise, longtemps latente, des caisses d’épargne américaines et les crises des pays scandinaves. L’évocation de ce dernier type de crise nous permettra de mieux appréhender la dimension extérieure des déterminants de la crise actuelle dans certains petitspays de l’Union européenne notamment. Dans cette contribution, nous envisageons ainsi d’établir des parallèles entre la crise actuelle et ces différentes crises, en suivant la trame suivante basée sur les mécanismes communs ayant mené à la crise : déterminations du contexte, des déséquilibres, et des éléments déclencheurs de la crise. Ainsi, nous pourrons caractériser le type de chaque crise et…