Personnes morales et blanchiment d’argent en côte d’ivoire
UTILISATION DES PERSONNES MORALES A DES FINS DE CORRUPTION ET/OU DE BLANCHIMENT D’ARGENT EN COTE D’IVOIRE.
Introduction
L’affaire de l’achat, par des dirigeants ivoiriens de la filière café-cacao, d’une usine aux Etats Unis d’Amérique, a donné à voir des pratiques de malversations financières d’une nature assez élaborée et même évoluée. En effet, cette affaire, qui fait l’objet d’unintérêt particulier de la part de la communauté nationale dans son ensemble, donne à croire que des personnes morales, en l’occurrence des sociétés, ont été utilisées dans le but de blanchir des fonds acquis illicitement.
Contre toute attente, l’infraction de blanchiment d’argent n’a pas fait partie des chefs d’accusation retenus par le Procureur de la République. La raison est certainement que cetteinfraction, qui n’a été introduite que très récemment dans le droit pénal ivoirien, n’est pas encore familière aux juges. Elle n’est donc pas visée dans les poursuites engagées contre les barons de la filière café cacao, dans une procédure qui est présentée comme une affaire de corruption.
L’évolution de la procédure judiciaire ouverte à l’encontre des présumés coupables permettra certainement,à travers les informations objectives émanant des tribunaux, d’analyser et de comprendre les modes opératoires utilisés pour procéder au blanchiment des deniers détournés.
En attendant ces précisions, la présente aura pour objet une fidèle retranscription des faits de la cause tels qu’ils sont rapportés par les médias (I) et une présentation de l’état de la procédure judiciaire en cours(II).
I – LES FAITS
Il s’agit de présenter le contexte de l’affaire (A), les problèmes soulevés (B) et les personnes impliquées (C).
A. Le contexte
L’Etat de Côte d’Ivoire a entrepris, vers la fin des années 90 et au début des années 2000, la libéralisation de la commercialisation du café et du cacao, deux principaux produits de son économie. Le cacao et le café représentent en effet40% des recettes du pays et la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao avec plus de 40% de part de marché. Le secteur génère donc de très importants revenus pour les producteurs mais également pour l’Etat.
La libéralisation a donné lieu à la création de nombreuses structures, y compris étatiques, chargées de gérer au quotidien les importants revenus générés par l’exportation deces deux produits. Dans toutes les structures de la filière, siègent dans le conseil d’administration des agents de l’Etat dont certains ont un droit de veto lors des réunions.
Tableau 1 : Structures nées de la libéralisation de la filière café cacao
N° | DESIGNATION | FORME JURIDIQUE | MISSIONS |
1 | Bourse café cacao (BCC) | Société anonyme | Régulation commerciale du café cacao. |2 | Fonds de régulation du café et du cacao (FRC) | Société d’Etat | Régulation financière du café cacao(Prélèvement de 40 F.CFA par kilogramme de café vendu et redistribution de cet argent entre la BCC, l’ARCC et le FDPCC). |
3 | Autorité de régulation du café cacao (ARCC) | Société d’Etat | Représentation de l’Etat dans le secteur et Gendarme de la filière. Sanction du non respect desprocédures. |
4 | Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et du cacao (FDPCC) | Société anonyme | Financement des actions menées à l’initiative des producteurs, formation des responsables et gérants de coopératives et distribution des produits phytosanitaires |
5 | Fonds de garantie des coopératives du café et du cacao (FGCCC) | Société anonyme | Garant desemprunts des coopératives dans le cadre des activités de commercialisation du café cacao. |
Une fois les structures mises en place et qu’elles ont commencé à fonctionner, l’objectif des producteurs, appuyés par les pouvoirs publics nationaux, était d’assurer la maîtrise du binôme café cacao, des champs jusqu’à la commercialisation, en engrangeant au passage toute la valorisation industrielle….